•  Vendredi 13h30 réunion

    N. (qui a du mal à s'intégrer de façon vraiment pacifique dans le groupe-classe) reproche au reste de la classe de jouer toujours au même jeu en récréation, c'est à dire "trap trap". Il trouve cela "ennuyant". Il se fait alors rabrouer de façon un peu brutale par plusieurs élèves, qui lui disent en gros que s'il n'est pas content, il n'a qu'à pas jouer, ou bien, il n'a qu'à être très sage pour rester dans la zone "verte" qui permet de passer librement ses récréations dans la classe.
    N. essaie de répondre, mais on ne le laisse pas, brouhaha, un nouveau sujet est lancé par l'animateur de réunion, l'élève se sent incompris et censuré, il s'énerve et quelques larmes de colère coulent.
    Je rappelle alors à l'animateur et aux autres enfants qu'on ne peut pas passer à un autre sujet alors que N. n'a pas pu répondre aux remarques un peu virulentes du groupe ... N. s'exprime jusqu'au bout mais aucun décision/compromis n'est trouvé. La classe ne semble pas réceptive (je l'invite néanmoins à formuler des propositions de jeux pour la prochaine réunion.)

    Même journée à 15h10 : récréation.

    Sans qu'on n'ait pratiqué ni même évoqué ce jeu cette année, les enfants se mettent à jouer à l'épervier tous ensemble (sans exception). Ils s'organisent, se répartissent les rôles, le tout sans conflit alors que ce sont des enfants qui se disputent souvent ... Là ça coule, ils enchaînent joyeusement les manches sans pouvoir s'arrêter ! Je les regarde de loin, émue...
    Je n'avais même pas fait le rapprochement, quand N. vient me voir et me dit: "Ça y est, maitresse, on a décidé de jouer à l'épervier pour changer un peu de jeux !"

    Ça m'a beaucoup touchée parce que les réunions sont des moments difficiles et laborieux, mais de tels dénouements me rappellent à quel point elles sont nécessaires pour que chaque enfant puisse se saisir du pouvoir du dialogue et trouver peu à peu sa place dans le groupe......

    Elise J.

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1)le conseil d’enfants

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/55611

    2)jeux coop pour la cour et pas que

    http://www.occe.coop/~ad42/IMG/pdf/fichier-jeux.pdf

    UNE QUESTION

    Quelle est la place de l’adulte dans les décisions des élèves ?

     


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  • C. avait 8 ou 9 ans, l’âge d’être au CE2, mais elle ne savait ni lire, ni écrire. Son dessin de bonhomme de début d’année représentait une sorte d’ange : une tête, une vague robe et, au lieu de bras, quelque chose d’assez informe, un peu comme des ailes. Claudine refusait toute activité scolaire et passait la journée à se promener dans la classe et à inspecter les nombreux placards dont elle sortait les objets pour les remettre ensuite à leur place. Un peu débordée par les difficultés de la classe unique, je la laissais faire puisqu’elle ne nous dérangeait pas. Parfois même, elle nous aidait car elle savait mieux que moi où se trouvait le matériel qu’il nous fallait!

    Petit à petit, j’ai remplacé le manuel de lecture du CP par la méthode naturelle de lecture : dessin libre suivi de la dictée à l’adulte. Mais longtemps, C. refusait d'y participer.

    Un jour, vers la fin du premier trimestre, elle a accepté de dessiner : c’était un simple carré colorié. C'est aussi ce que j'ai écrit sous sa dictée: "Un carré avec du vert, du jaune et du bleu ": son premier texte. À partir de ce texte, écrit au tableau et objet d’un modeste travail collectif de lecture avec les plus jeunes élèves, elle a enfin commencé à s’intéresser aux apprentissages scolaires !

    Une fois qu’elle a su lire, elle a d’ailleurs progressé régulièrement dans les apprentissages scolaires.

    À cette époque, je ne savais pas prendre de notes sur les élèves, je ne savais pas prendre du recul par rapport à ce qui se passait dans la classe. Mon souci était de faire tourner cette classe compliquée où les enfants avaient entre 5 et 12 ans. C’était aussi la classe Freinet à laquelle, petit à petit, j'introduisais des éléments de pédagogie institutionnelle. Je pensais que l’évolution remarquable de C. était due aux possibilités d’expression libre que j’apportais par la pédagogie Freinet, et aussi à des activités de l’école maternelle que je venais de quitter et que je proposais, dans cette classe unique, à des enfants qui ne l’avaient pas fréquentée.

    Mais j'ai pensé ensuite qu’un autre élément positif a été le fait que la fillette ait pu errer librement dans la classe pendant plusieurs semaines. Elle s’est ainsi approprié l’espace de la classe avec son corps alors que les années précédentes, elle devait rester immobile dans son banc à l’ancienne. En circulant autour de nous, un peu en marge du groupe tout en entendant ce qui s’y passait (ses camarades et cette nouvelle maîtresse qui apprenaient à se parler, à s’écouter, à s’organiser), elle était comme un petit enfant qui s’occupe, à côté des grands.

    Plus tard encore, ayant entendu le témoignage d'Emmanuelle Yanni sur l’errance d'adolescents, j’ai pensé à une errance à l'intérieur de la classe comme dans un contenant où protégée, contenue, elle a pu évoluer, mûrir (je ne sais pas très bien comment le dire) jusqu'au moment où elle s’est sentie prête à se joindre au groupe et entrer dans les savoirs.

    La classe comme une matrice, qui peut être l'occasion d'une seconde naissance ?

    Marguerite Bialas

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1)la méthode naturelle de lecture : le Nouvel Educateur

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/57026

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/pratiques-et-recherches-57-apprendre-a-lire-naturellement

    2)la classe multi-âges

    http://laclasseplaisir.eklablog.com/plaisir-vecu-910-vive-le-multiage-a153361348

     UNE QUESTION

    Peut-on toujours laisser le temps de l’errance ?


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  • Ce mardi matin, je suis appelée dans une classe de CE2 en REP.

    Je décide, entre autre, de leur faire vivre un moment de création collective autour du conte. Je leur demande ce qu'est un conte et rapidement ils donnent les grandes lignes. Alors, je leur dit de se mettre en binômes, de choisir leur(s) personnages, lieu(x), époque et éventuellement un événement. Ensuite, ils doivent écrire le début d'une histoire. Je leur précise que ces débuts seront proposés à la classe et que nous en choisirons un pour faire un écrit collectif.

    Après quelques minutes, les binômes volontaires proposent leurs textes. Tout le monde est attentif et curieux des propositions des camarades. Puis pour les aider à choisir la suite, je m'inspire du débat mouvant que j'avais vécu lors d'une rencontre du mouvement Freinet. Il s'agit de se déplacer vers l'idée qui nous intéresse ou de se mettre à mi-chemin entre deux idées... J'avais un peu d'appréhension au début : peur qu'ils s'agitent et le prennent comme un jeu, qu'ils n'écoutent pas les idées des autres mais plutôt celles des copains, qu'ils se mettent à faire n'importe quoi dans la classe.

    Et bien pas du tout. Je n'ai jamais eu d'enfants aussi attentifs envers leurs camarades et aussi résolus dans leurs déplacements. Nous avons passé un super moment, construit un texte magnifique ensemble que j'écrivais au tableau au fur et à mesure. Pour le reste, ils se sont spontanément auto-gérés. En quittant la classe, j'ai laissé le texte copié sur une affiche au milieu du tableau et je suis partie avec le sourire.

    "Il était une fois, une petite fille qui avait une grand-mère extraordinaire qui s'appelait Mummy. Elle vivait dans une base secrète. Seulement, la petite fille vivait loin de Mummy dans la montagne. Elles ne se voyaient jamais. Un jour, Mummy décida de rendre visite à sa petite fille. Elle prit sa voiture volante. En chemin, elle rencontra un dragon. Comme elle était à court de poussière magique, le dragon la dépanna : d'un coup de queue, il l'envoya à destination. La petite fille fut heureuse de revoir sa Mummy."

    Sabine Loubet

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1)le débat mouvant

    http://www.occe.coop/~ad01/IMG/pdf/3-Debat_mouvant_-_Le_climat_en_mouvement.pdf

    2)l’écriture collective

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/pratiques-et-recherches-65-le-texte-libre-vers-l-experience-litteraire

     UNE QUESTION

    Quelle place pour le remplaçant d’un jour dans une classe ?


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