• Dès le début de l’année, je lance le Conseil dans ma nouvelle classe. En général, il a lieu le vendredi.

    Les premiers conseils se passent bien mais, comme  les élèves n’en ont pas l’habitude, malgré le tuilage, je suis obligée de beaucoup intervenir et donc de beaucoup parler. Cela ne me plait pas trop. En plus, je suis à la limite de l’extinction de voix (nodule et rhume obligent). Alors, ce vendredi, je décide de me mettre en retrait et je croise les doigts.

    Et là, je vis un grand moment de bonheur. La présidente, aidée du président de la semaine  précédente, anime superbement. Les 2 secrétaires se débrouillent tout seuls, ils ne me demandent même plus l’autorisation pour aller chercher l’agrafeuse sur mon bureau. Et le donneur de parole avec le responsable du bruit font respecter les règles d’écoute et de prise de parole.

    Des propositions sont discutées, organisées et validées. Un élève propose que l’on se demande "comment ça va"  tous les matins, mais en anglais. L’idée est discutée :

    - Nous les CM1, nous ne savons pas le dire.

    - Ben, nous vous apprendrons, répond un élève de CM2.

    - Mais ça risque de prendre trop de temps. On ne pourra pas tout faire.

    - Alors, on peut le faire à l’écrit au lieu de faire un tour de classe.

    La discussion continue. Finalement, ce sera fait en rentrant en classe : chacun mettra son étiquette prénom sur une affiche « humeur du jour en anglais ». Les CM2 se chargent d’aider les CM1 pour le vocabulaire.

    Des réponses sont apportées à des soucis qui sont récurrents et en dehors du temps de classe :

    - S me tape sans raison !

    - Moi aussi

    - Oui, il est tout le temps comme ça avec tout le monde.

    - Quand il veut vous taper ne restez pas tout seul, dit M. Quand on est plusieurs, il s’en va et il n’embête pas trop les CM2, surtout ceux qui sont grands.

    - C’est vrai, moi il ne m’embête jamais, renchérit G. Vous n’avez qu’à venir près de moi quand il vous menace.

    Conclusion : quand S. nous provoque ou veut nous taper, on se regroupe, de préférence avec les CM2.

    Tous les jours, l’équipe doit gérer des difficultés de communication entre élèves, des insultes, des bagarres. Dans cette école où la violence entre enfants est quotidienne, ils se sont approprié ce temps de discussion et cherchent des solutions ensemble. Cela fait plaisir de les écouter parler et proposer de s’entraider. 

    Sabine Loubet

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1) Le Conseil

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/accueil-conseil

    2) Les responsabilités

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/accueil-metiers-responsabilites


    votre commentaire
  • Un de mes loulous de CE1 ne vient pas du tout à l'école depuis l'année dernière pour une raison hallucinante : il joue aux jeux vidéos toute la nuit et sa maman qui l'élève seule nous dit qu'il ne veut pas l'écouter pour lui donner son écran.

    Surréaliste !

    Signalement, d'où accompagnement éducatif, mais toujours pas de loulou à l'école. Dix jours de présence sur sept mois d'école. 

    Donc, mon loulou arrive le lundi matin au car pour le départ en classe verte. Soulagement ! Il est là.

    Il se régale toute la semaine, s'endort sans problème le soir et participe à tout de façon extrêmement adaptée. 

    Le dernier matin, contrairement aux autres matins, pas de réveil échelonné. 

    En ouvrant les yeux, il me regarde avec une grande sérénité et une sacrée détermination :  "Maîtresse, en arrivant à la maison, je vais dire à maman de vendre ma tablette et ma Switch pour acheter des jeux de construction comme les Légos avec les sous."

    Il m'a fait un gros câlin et j'ai failli verser une larme. 

    Fabuleux.

    Je n'aurai pas donné toute cette énergie pour rien !

    Pascale H.

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1) Le site de Serge Tisseron

    https://www.3-6-9-12.org/manifesto-notre-combat/

    2) Emancipation numérique (Nouvel Educateur)

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/62041

    UNE QUESTION

    Qu'est-ce qui peut faire "déclic" dans ce que nous proposons en classe ou à l'école ? 


    votre commentaire
  • Depuis la fin du confinement, j’ai fait le choix de ne rien exiger des enfants l’après-midi. Bien évidemment, ne rien exiger des enfants, ça veut dire qu’ils choisissent ce qu’ils vont faire.

    Et il y a quelques semaines, avec l’argent de la classe, ils avaient acheté une dizaine de rubik’s cubes. Donc ils étaient toujours quelques-uns à bidouiller le cube, et les plus organisés sont arrivés, en regardant des vidéos avec les tablettes de la classe, à les résoudre. 

    Cette après-midi, alors que nous terminions nos pages du journal, A. est venue me voir avec C. « Tu dois nous montrer comment on crée un QRCode, parce qu’on veut mettre dans nos pages du journal une vidéo pour expliquer comment on résout un rubik’s cube. Silence religieux quand je leur ai montré comment on met une vidéo en ligne.

    Les voilà parties avec une tablette, pour partager un peu de leur connaissance avec le Monde. « Comme ça, les copains des autres classes apprendront à les résoudre »... « et aussi les correspondants ».

    Le Monde d’après sera coopératif, et notre salle de classe sera la Terre. Et chacun de nous, quand il le faudra, pourra apprendre aux autres. Regarde, ça a déjà commencé…

    https://www.youtube.com/watch?v=mcmmmksbry8

    Hervé Allesant, en classe unique (CP au CM2)

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1) Organisation d'une classe Freinet

    https://www.classe-de-demain.fr/accueil/cest-vous-qui-le-dites/temoignage-dherve-enseignant-en-cp-ce2-methode-freinet

    2) La Coopération

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/recherche-cooperation

    UNE QUESTION

    En quoi laisser choisir les activités est une forme d'exigence ? 


    votre commentaire
  • Cette année, de retour sur le terrain après 3 ans comme Conseillère pédagogique. Une bouffée d’air frais !

    Le début d’année un peu fatigant : double-niveau ( cycle 3 jamais fait), une nouvelle école (j’ai déménagé et changé de département), donc nouvel environnement, nouveaux collègues, et bien sûr, nouveaux élèves !

    J’ai très vite installé, comme je le faisais avant, le Conseil tous les vendredis et le plan de travail. Et puis cette année on peut correspondre avec des petits Parisiens !
    Ces trois dispositifs permettent aux élèves de trouver un réel espace de liberté et de développer leur autonomie.

    Ils se sont très vite approprié le Conseil, instance pourtant nouvelle pour eux, ritualisé (jamais on y coupe ), inscrit dans l’emploi du temps et dans les devoirs (ils peuvent ainsi anticiper les points à aborder). Je leur ai donné au début quelques idées de points à mettre à l’ordre du jour sous forme de questions ouvertes et suscitant leur imagination : Qu’aimerais tu faire en classe ? Comment peut on travailler tel projet ?... 

    Maintenant c’est eux qui proposent et ils prennent une place « d’auteurs « en classe : ils ont inventé un nouveau fichier maths, un jeu pour travailler les natures de mots (le bac français ), et un autre jeu pour les multiplications et les divisions (le morpionplication).
    Et tous ces jeux deviennent des moyens de communiquer avec nos correspondants, en plus des courriers individuels .

    C’est eux aussi qui me rappellent : "Alors, JCoop, on en est où de la sélection des poésies ?" (Jcoop est le magazine  cycle 3 du mouvement Freinet qui est constitué par les classes et les élèves). Cette idée de jury à d’ailleurs été reprise lors de la correspondance : quelques enfants ont proposé à nos correspondants de tenir de rôle de jury avec les poésies qu’ils avaient inventées. Cela a très bien fonctionné. Ils ont tellement aimé qu’ils se sont filmés en train de réciter la poésie choisie - et quelle joie pour cet élève, pas toujours très confiant dans ses capacités quand il a entendu les copains réciter « La poubelle » (franchement, une poésie pleine d’humour).

    Et puis voici deux nouvelles idées apparues au dernier Conseil :

    1) Un élève souhaite préparer une séance de maths et l’animer (ils ont déjà l’habitude de prendre en main certaines activités)

    2) Trois élèves souhaitent créer le prochain plan de travail !! J’ai hâte de voir cela.

    Au final, ils investissent, que dis-je, ils s’approprient. Ils vivent la classe complètement.
    Un pur bonheur. Et je les accompagne dans leurs projets !

    Dans ce contexte sanitaire pas simple où on se sent tous «enfermés», il me parait encore plus important d’ouvrir les portes de l'imagination ;)

    Valérie ( CM1/CM2), petite commune rurale du 91

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1) Découvrir "JCoop magazine"

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/jcoop-magazine

     2) Le Conseil

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/accueil-conseil

    UNE QUESTION

    Pourquoi les élèves ne pourraient-ils pas décider eux-mêmes du travail à faire et des modalités d'acquisition ? 

     


    votre commentaire
  • Cette année, c'est peut-être lié au fait que nous sommes claquemurés dans les murs de l'école, le conseil d'élèves de ma classe de CM1-CM2 est un lieu important d'interrogations et de réflexions de la part des élèves sur mes propres choix pédagogiques.

    Les élèves ont décidé en début d'année d'ajouter un temps de "Questions pour la classe" qui sont très souvent des questions pour le maître. La semaine dernière, c'est Sita qui avait demandé pourquoi dans la classe on travaillait beaucoup en groupe.

    Cette fois-ci, Fatoumata demande : "Maître, pourquoi tu as choisi d'avoir une classe de CM1 et de CM2 ?". Dans la classe, ce n'est pas vraiment un sujet : le fait d'être en CM1 ou en CM2 importe finalement assez peu. Chacun travaille sur ce qu'il/elle a besoin sauf en Géographie et en Histoire. Le reste du temps tout le monde est mélangé et c'est très bien ainsi. Même au début de l'année, cela avait suscité finalement assez peu d'interrogations. Et là, au mois de janvier, la question s'exprime. Peut-être l'habitude de s'interroger sur les choses ? Peut-être l'influence de Sita qui, arrivée début décembre, avait posé un regard neuf et plein d'interrogations sur notre classe.

    Je me tourne donc vers les élèves : "Qu'en pensez-vous ?". Même si je sais que la classe est très soudée, c'est un petit test pour moi qui tâtonne avec ce double niveau. Et si Inès ou Ibrahim qui aiment tant porter la contradiction s'improvisent pourfendeurs de la classe multi-âge ? On oublie souvent de dire que donner la parole aux élèves, c'est prendre aussi une part de risque.

    "- Avoir des CM1 et des CM2, ça permet aux CM1 d'apprendre plus de choses, remarque d'abord Sita (CM2).

    - Oui, les CM2 peuvent apprendre aux CM2 ce qu'ils savent faire. A la fin de l'année, on pourra les remercier pour ce qu'ils ont fait, complète Suzanne (CM1).

    - Les CM1 peuvent suivre l'exemple des CM2, renchérit Lynsige (CM1) qui se rêve déjà l'année prochaine, être le "grand".

    - Oui, enfin les CM1 aussi peuvent apprendre des choses aux CM2, rajoute Inès (CM1) qui ne compte pas se laisser considérer comme une "petite". On est tous capable d'apprendre aux autres. On est tous égaux.

    - Mais alors, ceux et celles qui aident les autres, ce n'est pas trop pénible ? je questionne.

    - Non, répond Fatoumata, parce qu'on apprend nous aussi en même temps."

    La responsable de l'ordre du jour nous fait signe qu'il faut avancer dans la réunion, malgré la forêt de doigts levés pour renchérir. Il y a beaucoup de sujets à traiter. Je souris sous mon masque, content que le choix du CM1-CM2 soit autant validé par les élèves, et que ces dernier.es soient de manière si évidente capables de le justifier.

    On continue : point sur le projet d'avoir un lapin, point de fonctionnement sur l'accès à l'ordinateur...

    "- Je propose qu'on ajoute une responsabilité, commence Camilla, il nous faudrait un rapporteur pour quand le maître nous laisse seuls dans la classe.

    - Pourquoi tu dis ça ?

    - Parce que quand le maître sort de la classe, il y en a qui arrêtent de travailler et se mettent à bavarder.

    Je dis : - Franchement, si on décide de ça, il faudrait lui trouver un autre nom parce que ça fait un peu "rapporteur de Paris"...

    - Ce serait plus amusant de l'appeler l'Agent, propose Inès, un peu comme un agent secret qui après raconterait ce qui s'est passé.

    - Moi, je ne suis pas d'accord, ça va créer des histoires. On a pas besoin de ça.

    Les échanges continuent un peu, puis notre responsable de l'ordre du jour propose de passer au vote. Finalement, seulement 4 pour, 6 contre et 9 abstentions. Je me permets une analyse : "Beaucoup d'élèves se sont abstenus, j'ai l'impression qu'ils étaient d'accord avec l'analyse du problème : les bavardages quand je ne suis pas là, mais qu'ils n'étaient pas convaincus par la solution trouvée. Cela vaut peut-être le coup qu'on continue à y réfléchir une prochaine fois."

    Et l'ordre du jour reprend sa course.

    Elie annonce : "Je propose que maintenant ce ne soit plus des îlots, mais des lignes."

    Ca y est : je sens le moment où ma jolie classe va se transformer en autobus. Avec un peu de chance, ça ne durera pas plus d'une semaine.

    Wilson réagit : "- Non, c’est notre classe ! Faire des lignes, c’est comme si on était en évaluation. Dans notre classe, on fait presque jamais d'évaluations.

    - Moi je trouve que c’est une mauvaise idée. Imagine, Wilson va gêner Tony pour voir le tableau.

    - Au contraire, c'est une très bonne idée, réplique Jonas. Et pour pas se gêner, on a qu'à mettre les petits devant les grands derrière. En taille bien entendu.

    - Oh non, c'est une très mauvaise idée de changer de table, parce qu'on ne pourrait plus s'aider. Avec les îlots, c'est facile de s'aider. En ligne, ça va faire un mauvais fonctionnement, analyse doctement Inès. Et puis, quand tu veux aller quelque part pour ranger une fiche, ce ne sera pas pratique du tout..."

    Je vois progressivement le spectre de la classe autobus s'éloigner doucement. Ils/elles m'étonnent, mes élèves.

    - Avant, vous tous, les autres années, vous étiez en ligne, rappelle Océane à ses camarades. Et moi je trouve que c’est mieux maintenant.

    - Et puis, on a l’habitude, mais en ligne, on n'a plus l’habitude, décrète Jade de sa voix enjouée.

    - Ce sera vraiment un problème pour travailler ensemble, conclut Sita.

    Finalement, seul Jonas a voté pour la proposition d'Elie.

    Parfois, pendant le conseil, on ne décide pas de grands choses, pas de nouveaux projets. On ne résout pas forcément de conflits non plus. Et ce jour-là, il y eut peu de félicitations et de "passage de ceinture". Mais, on discute de notre classe et de son fonctionnement : ce faisant on réaffirme des valeurs communes (l'entraide notamment) en se rendant compte à quel point elles vivent dans la classe. On explicite ce pourquoi nous sommes là : apprendre ensemble.

    Certain.es disent que la pédagogie Freinet est une pédagogie "invisible" (Bernstein), une pédagogie qui en taisant ses objectifs générerait de l'implicite et des malentendus scolaires. Je ne suis pas d'accord.

    Parce qu'elle donne la parole aux élèves, parce qu'elle suscite leurs interrogations et se construit avec eux/elles, la pédagogie Freinet, via ses institutions comme le conseil, mène la classe dans une posture réflexive sur elle-même. La classe se pense elle-même et explicite sans cesse ses finalités, son fonctionnement et les modalités d'apprentissage.

    Arthur Serret

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1) Le Conseil

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/accueil-conseil

     2) Le Multi-Niveaux

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/12440

    UNE QUESTION

    Dans un double niveau, les élèves doivent-ils être mélangés dans la classe ou bien séparés par niveau ? 

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique