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Par G-en-vie le 22 Juin 2015 à 19:16
Nous avons pu collecter de nouvelles graines de plaisir lors de notre rencontre avec l'association "Les amis de la Bienvenue", association avec qui nous partageons de nombreuses valeurs.
Les Amis de la Bienvenue, constituée en association loi 1901 depuis 1974, est un lieu de rencontres, d'échanges et d'apprentissages situé dans la rue de la Butte aux Cailles à Paris.
L’association propose une trentaine d’ateliers chaque semaine destinés à une centaine d’enfants et adultes et animés par une cinquantaine de bénévoles.301 - Un moment sympa à La Bienvenue. J’attache de l’importance à ce qu’on s’entende bien, c’est important pour apprendre. De temps en temps, j’amène des choses à manger, un gâteau pour un anniversaire, la galette des rois. Et là, la fois suivante, il y avait un anniversaire, et trois jeunes filles ukrainiennes qui nous ont dit : « Nous on s’occupe la semaine prochaine de nos anniversaires. »
Elles sont arrivées la fois suivante avec des ballons de toutes les couleurs, des instruments de musique, un tiramisu, des assiettes, serviettes, cuillères, et on a commencé l’atelier en fêtant l’anniversaire. On est devenu un groupe qui est content de se retrouver. Plus de frayeurs, et on apprend le français ensemble, dans la détente. Mais là, avec deux heures par semaine, on pouvait se permettre de prendre ce temps.
302 - Ça se passe dans un collège, je suis conseillère d’éducation. Un « cinquième » vient me voir, il fait plein de bêtises, un garçon qui est en décrochage de l’intérieur. Il est collé, je fais un peu les gros yeux, je l’envoie en salle de permanence, et puis j’oublie.
Dix minutes après, je suis amenée à aller dans cette salle de permanence, où il y a juste trois élèves, dont ce garçon en train de travailler. Il me dit : « Madame, madame, venez me voir ». On avait fait quelques semaines avant un concours d’affiches sur la lutte contre les discriminations. On voulait que les élèves réalisent la future page de garde du carnet de correspondance autour de ce thème. Il y avait de très beaux dessins. Et là, le garçon me dit : « C’est bien, Madame ? » Je lui réponds : « Bien sûr que c’est beau. » Il se trouve que ce garçon ne discutait jamais avec nous, refusant tout ce qu’on pouvait lui proposer.
Et il commence à me parler de toutes les affiches, il les avait bien regardées, bien décortiquées. Et là il me dit : « C’est bien quand même, quand on fait des choses au collège. » Et puis il regarde une fresque qu’on avait faite avant, et il me dit : « Et ça, c’est beau ! » Et il me demande : « Est-ce que ça va exister l’année prochaine, ça, et est-ce que je pourrai participer ? »
J’ai trouvé ce moment super, car il y avait quelque part une sorte de réconciliation entre lui et le collège, qu’il voyait autrement. Et ce qu’il analysait était d’une sensibilité incroyable. Là il s’exprimait bien, il analysait, il avait un vocabulaire nourri. Et les deux autres élèves qui étaient présents le regardaient, assez ébahis. Le surveillant aussi était assez ému. Là, quand il dit « C’est bien quand on fait des choses », il voulait certainement dire des choses qui participent de la vie du collège. Peut-être que la lutte contre les discriminations lui parlait aussi. Ça a débloqué quelque chose dans son rapport à nous, même s’il continue à être exclu de cours.
303 - J’étais professeur de français dans un lycée en zone sensible à Vitry. Je me souviens d’un beau projet, qui nous avait tous rendus heureux, c’était avec la Maison de la Poésie : on avait eu droit à la visite d’un poète qui était venu travailler avec deux classes de seconde du lycée professionnel. Le but était de faire travailler les élèves sur l’espace dans lequel ils vivaient, car c’est un grand lycée, avec un immense campus. C’était une façon de faire du français tout à fait originale. Ça consistait, un peu comme une école de plein air, à prendre son cahier et son stylo, à se balader dans le parc, à s’assoir de temps en temps pour observer et écrire ce qu’on voyait. A partir de là, en fonction de structures que le poète préconisait, il s’agissait de construire des petits textes poétiques.
Au départ, mes élèves voyaient ça comme une récréation : c’est sympa, on n’est pas en cours, on se balade. Ils étaient persuadés que leur travail allait être bien meilleur que celui des élèves du LEP, qui souffrent d’une image plutôt négative. Mais ce qui est formidable, c’est que non seulement les élèves du LEP avaient des productions souvent bien meilleures que celles du lycée général, au niveau de la créativité. Et le poète arrivait souvent avec la lecture d’extraits venant du LEP, pour stimuler mes classes de seconde générale. Et ça c’était bien, sur le plan de l’image que pouvaient avoir ces élèves sur les élèves de LEP. Mais ensuite, après, l’ensemble des textes a servi pour constituer un recueil, dont les élèves ont reçu chacun un exemplaire, un florilège qui a servi pour faire un montage poétique, et qui a été joué par les élèves du LEP, avec en face d’eux dans le public les élèves participant au projet.
C’était génial, car c’était eux qui étaient sur les planches et applaudis. Pour une fois, il se passait quelque chose, dans l’échange, entre ces deux lycées. Et ça c’est très difficile à travailler au quotidien, car souvent, ils ont une mauvaise image les uns des autres. Et là on a réussi à dépasser ces mauvaises images. Il y a des amitiés qui se sont créées aussi.
304 - C’est lors des ateliers de maths de La Bienvenue, avec des enfants de tous âges, mais tous en grande difficulté. Et là je pense à une élève, D. Elle est en grande difficulté, mais a beaucoup de volonté, très envie d’apprendre et de connaître. Elle est très consciente de ses difficultés. Un jour qu’on travaillait en mathématiques, elle a compris, elle s’est levée, et elle s’est mise à danser dans le coin, en disant : « C’est super, j’ai compris ce qu’on a fait, c’est vachement facile les maths ! » Ce qui a joué, c’est qu’on est très peu, et qu’on peut prendre tout le temps qu’on veut, et on peut répéter dix fois la même chose.
305 - Depuis très longtemps, je travaille la lecture et l’écriture avec des enfants d’école primaire, en moyenne de CM1-CM2. Le premier déclic, ça a été que pendant des années j’essayais de trouver des ouvrages qui correspondaient à la culture d’origine de leurs parents. Et en fait, je me suis rendu compte que c’était très éloigné de leurs centres d’intérêt, que ça ne leur parlait pas beaucoup. Et là, j’ai réfléchi à ce que je pouvais trouver pour qu’ils se sentent à l’aise, et en même temps, les faire voyager dans l’écriture et dans l’imaginaire. J’ai trouvé des ouvrages comme par exemple « Le bébé tombé du train », qui m’avait été conseillé par une libraire, une histoire magnifique d’un petit enfant qui est retrouvé par un vieil homme dans son jardin, et cet enfant va découvrir la vie, l’altérité. Il avait été laissé là par une mère juive qui partait en camp. Cette maman revient, et ils vont vivre tous les trois ensemble. Je me suis dit, là, que ce qui comptait c’était la beauté du texte, et que lorsqu’il est beau, il est universel.
Par la suite, j’ai toujours cherché des textes qui parlaient de la vie et qui étaient bien écrits. Dans les titres d’ouvrages que j’ai travaillés avec les enfants, il y avait « L’homme qui plantait des arbres », sur la question de la solitude, de l’altérité, « Mon bel oranger », « Emilio mon frère », « Les enfants de Noé ». A chaque fois, le déclic, ça a été la beauté des textes.
En revanche, j’avais beaucoup plus de mal à les faire écrire. Ce qui a débloqué hier ce problème d’écriture, c’est lorsque nous avons fait un résumé collectif de l’histoire que nous venions de lire. J’écrivais sous leur dictée, ils n’ont jamais été aussi productifs. Ils se relayaient pour réécrire. Je pense que l’écriture renvoie à une forme de solitude, et que c’est donc souvent difficile pour eux, d’où le déblocage par l’écriture collective.
306 - Macao est une association qui travaille beaucoup dans les médiations artistiques, et qui gère l’espace de vie sociale L’Escale, rue l’Amiral Mouchez. On fait des médiations artistiques, mais aussi de l’accompagnement scolaire. On a des enfants, notamment immigrés, de l’Afrique subsaharienne, primo-arrivants, avec toute une problématique autour de la lecture et de l’écriture. On est en recherche.
Je voudrais vous parler d’ un petit garçon de 9 ans qui est un enfant malien et qu’on suit depuis septembre. C’est un enfant signifié par l’école comme un enfant en échec total. Pour nous, il est extrêmement créatif, avec des moments d’opposition et d’explosion. Hier nous sommes partis sur l’héroïc fantasy, avec les lutins de Brocéliande. L’idée de départ était de choisir un lutin ami, des personnages très fantasmagoriques, et de travailler sur le graphisme et sur ce que dirait le lutin.
Le garçon choisit, il commence à décalquer le lutin. Et à un moment, juste quand je suis sortie de la salle, il s’est mis à insulter, à tout déchirer, un acte qu’il fait très souvent, en disant : « C’est nul ce que je fais ! » Et il y a une explosion. J’interviens en lui rappelant le cadre, d’une façon un peu plus ferme que d’habitude. Et là, il sort en bousculant tout le monde, refusant de s’excuser. Je lui ai alors proposé de revenir quand il voulait, et en lui rappelant qu’il y a des règles, qu’il faudra qu’il s’excuse. Je me suis demandé ce qu’il allait faire.
Il est sorti très peu de temps, il s’est appuyé sur la porte de L’Escale. Puis il est revenu, il ouvre la porte, il s’installe très tranquillement, il s’excuse auprès de ses deux camarades qu’il avait insultés. Il a pris un autre papier et il s’est mis à faire du graphisme avec les trois stylos qu’il avait. Il écrit son nom, et en utilisant deux lettres de son prénom, E et M, il me demande si je peux les photocopier, en en donnant un exemplaire à sa mère et un pour moi. Tout s’était calmé, il était vraiment à sa table. Et là je lui dis : « Là c’est vraiment du graphisme, et il y a des métiers pour ça. » Il s’est intéressé à ça, il a refait toutes les lettres de l’alphabet en graphisme. Et là, il me dit la phrase de son lutin, qui est : « Le ludion est devenu un loup-garou gentil ». Il va voir l’animateur, et il dit : Je crois que je vais devenir graphiste.
Le fait qu’il ait eu un espace pour se réfugier au moment de sa colère aide beaucoup.
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Par G-en-vie le 27 Novembre 2017 à 19:52
Je travaille en Belgique, à Ixelles, dans un contexte d’intégration maximisée, c’est-à-dire qu’on est deux enseignants à temps plein dans la classe, en permanence, parce qu’on a six enfants intégrés. Normalement ce sont des enfants qui devraient être dans l’enseignement spécialisé.
Je suis en équivalent CM1 et CM2 et je garderai mes élèves l’année prochaine en sixième. C’est une classe très difficile, avec des enfants qui vivent très mal les différences de niveau. Petits, ils ne sentaient pas trop qu’il y avait autant de différences, mais en grandissant, ça leur est devenu difficile de sentir cet écart.
Aussi, nous avons décidé de travailler sur les "empêchements à apprendre" avec les outils vidéo du site proposés par la compagnie de clowns "Tape l'incruste" : Le site des empêchements. On n’a pas montré beaucoup de vidéos, parce que je voulais qu’ils mènent leur propre cheminement dans la recherche de leurs empêchements à apprendre. On les a simplement évoqués avec eux, avec la question principale : Qu’est-ce qui à votre avis peut empêcher d’apprendre ?
Et nous avons travaillé là-dessus. J’ai montré quand même en parallèle une ou deux vidéos des clowns : « J'ai besoin de bouger » et « J’ai peur de rater ». Nous n’avons regardé que les situations de base des clowns empêchés. On s’est bien sûr interrogé sur ce qu’ils avaient compris et sur le message qui était passé.
Là-dessus, ils ont eu envie d’en créer par rapport à leur vécu. Ils se sont mis en petits groupes et ils ont créé par équipes de nouvelles scènes d'empêchements à apprendre, sous une forme plus théâtrale que clownesque. Chaque équipe s'était constituée par empêchement, ils ont bâti une petite scène et se sont filmés. Notre idée de base était de présenter ces vidéos au reste de l’école. Comme empêchements, il y avait le stress, la peur de ne pas pouvoir répondre, le fait de penser à autre chose, l’envie qui n’est pas là. Ils ont eu beaucoup envie de parler de ce qu’il y avait dans leur tête, donc beaucoup de scènes se rapprochaient. Ils ont joué les scènes devant les autres, et tout le monde a fait des commentaires, pour pouvoir améliorer les choses, mais aussi à chercher quelles solutions on pouvait apporter.
Ce travail a fait changer beaucoup de choses : ça a calmé beaucoup d’enfants, en montrant que ce n’était pas obligatoirement de leur faute, lorsqu’ils arrivent en classe et qu’ils n’arrivent pas à travailler, que c’était juste un empêchement. Et ils ont trouvé des solutions, qu’on a appliquées en classe. Les enfants ont adoré, ils voulaient faire ça tout le temps. Il y a des enfants qui ont été libérés de pouvoir montrer ce qui leur pose problème.
Nous avons une élève en classe qui est en très grosse difficulté scolaire. Par exemple, il faut écrire ses calculs pour qu’elle puisse les résoudre, parce que tant que ce n’est pas bien écrit, elle ne les fera pas. Elle a joué une scène sur le stress, sous forme de jeu télévisé. J'ai senti que ça a eu un impact pour elle, notamment quand on en a discuté ensemble, parce que les autres commençaient à la comprendre. Ça l’a soulagée très fort. Elle a pu exprimer son mal-être en passant par les clowns.
Cette année, nous continuerons, en passant aussi par des questions philosophiques.
Carole Geerinck
POUR ALLER PLUS LOIN
1/ Site des empêchements à apprendre
http://www.empechementsaapprendre.com
2) Théâtre. Changer nos représentations
https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/11304
3) Les débats philo
https://www.icem-pedagogie-freinet.org/accueil-debat-philo
UNE QUESTION
Le travail sur les empêchements est-il réservé aux élèves en difficulté ?
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Par G-en-vie le 24 Juin 2018 à 09:25
Cette année, j'ai eu ENFIN une vraie classe multi-âges : CP/CE1/CE2.
Il a fallu du temps pour que la classe « roule », que les élèves s'y retrouvent dans les fichiers de travail collectifs, apprennent à gérer leurs plans de travail, se saisissent des outils (dictionnaires, fichiers de vocabulaire, matériel de manipulation mathématique..), se lancent dans des projets, donnent leur avis, cherchent, inventent, osent...
Et ce matin, c'est la cerise sur le gâteau ! Quel bonheur !
Je m'explique : Comme nous partons en classe verte en ce mois de juin, il faut prévoir les repas qui seront faits en autonomie. Deux élèves avaient téléphoné la semaine dernière à la boulangerie pour s'assurer des jours d'ouverture. Restait l'épicerie. Chacun s'active ce matin tranquillement quand retentit un cri « Et l'épicerie ! Il faut téléphoner ! »
C'est S. un grand costaud de CE2. C'est un enfant studieux, mais mal à l'aise dans son corps trop grand, trop gros, maladroit dans ses gestes et ses relations. Un timide qui zézaie. Un anxieux qui panique quand bien souvent il se retrouve décalé, perdu dans sa page ou dans son discours. Je lui réponds calmement qu'en effet c'est son travail, il s'y était engagé. Alors, avec un sourire ravi, il fouille et trouve le bottin. Longuement, il cherche le numéro. Puis part demander le téléphone dans la classe voisine. « Taisez-vous tous ! Je vous répète mon texte ! » lance-t-il péremptoire. Chacun l'écoute. N. lui précise qu'il vaut mieux demander « Êtes-vous ouvert ? » plutôt que « Êtes-vous disponible ? » A. lui conseille de parler lentement parce qu'il a un cheveu sur la langue. "Ça y est, je suis prêt maîtresse. Mais j'ai trop trop peur ! »
Et S. se lance. Toute la classe l'écoute, dans un silence absolu s'expliquer au téléphone, demander, répondre à des questions. Je n'ai pas pensé à mettre le haut-parleur. C'est fini. Il raccroche. Il a une mine réjouie. « Si tu savais comme j'avais peur maîtresse ! »
Il a conscience d'avoir osé se lancer, dépassé sa timidité, vaincu ses difficultés d'élocution. Il rayonne ! Et moi, j'ai vu un enfant chercher avec patience dans l'annuaire, prendre à bras le corps un travail et tenir son engagement. Réussir, avec l'appui de toute la classe. Et l'air de rien, la classe entière pouvait parler en franchise du zézaiement de S.
Marie-Ève Collard-Thivillier
St Etienne 42POUR ALLER PLUS LOIN
1) De la coopération à l’autogestion
https://www.icem-pedagogie-freinet.org/pratiques-et-recherches-26-de-la-cooperation-a-l-autogestion
2) Nouvel Educateur : Lever les empêchements
https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/51887
UNE QUESTION
Comment changer le regard parfois stigmatisant porté sur un enfant ?
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Par G-en-vie le 3 Février 2019 à 10:19
Nous accueillons dans notre classe de CE2 depuis la rentrée de janvier une élève allophone syrienne. Elle apprend vite et est très volontaire. C’est également une élève jusque-là très discrète, pour cause !
D’un autre côté, je me suis fâchée avec les élèves que j’ai depuis septembre (oui, je sais, ce n’est pas bien, mais bon… flûte et saperlipopette !) car ils n’apportent plus aucun soin à leur écriture.
Aujourd’hui donc, je demande à N. de réécrire un mot, puis uniquement la syllabe « ve », une ligne puis une autre, à chaque fois le même problème, c’est illisible. Je fais les gros yeux et là, N. me répond « Mais maîtresse, vraiment, je n’y arrive pas ! ». Je me calme instantanément et prend l’ardoise de H. (l’élève syrienne avec laquelle je travaillais à ce moment-là) et lui montre l’enchainement de ces deux lettres récalcitrantes et l'invite réessayer ses fichus « ve » !
C’est à ce moment précis qu’H. (qui n’apprend notre alphabet que depuis 3 semaines) décide d’expliquer à N. comment tracer les « ve » ! Elle lui montre, c’est parfait ! Je m’extrais volontairement et les observe. N. est d’abord surpris, souris, H. insiste du regard, montre l’ardoise, lui tend un crayon… et c’était parti pour des « ve » en veux-tu en voilà, ponctués par les « non ! », « non ! » puis « oui, bravo ! *» de H. !
C’est vraiment un grand moment pour moi, pour elle et pour toute la classe… car, elle vient de prouver à chacune et chacun, qu’avec le peu qu’on sache, on est aussi valable que les autres pour aider !
(* en français dans le texte !)
Jeanne Paturel
POUR ALLER PLUS LOIN
1)accueillir un élève allophone
https://eduscol.education.fr/cid59114/ressources-pour-les-eana.html#lien1
2)difficulté avec le geste graphique (dysgraphie…)
https://www.cartablefantastique.fr/
UNE QUESTION
Comment mettre en place un tutorat qui valorise tous les élèves ?
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Par G-en-vie le 16 Novembre 2019 à 13:05
C'est l'histoire d'un étonnement, et à partir de cette étonnement, d'un questionnement.
J'exerce comme enseignant spécialisé en ce qu'on appelle aujourd'hui l'aide relationnelle (ou maître G, comme nous avons l'habitude de le dire) au sein d'un RASED. J'ai donc l'occasion de rencontrer des enfants en grande difficulté scolaire qui me sont signalés par des enseignants, d'abord en entretiens individuels et puis, pour certains, en petits groupes de besoins.
J'aimerais vous décrire le moment vécu avec N., un élève de CE1, qui est décrit, sur la demande d'aide écrite qui m'a été remise, comme élève ayant un niveau de Grande Section de maternelle. J'ai pu effectivement constater qu'il n'était pas lecteur, qu'il ne savait pas écrire des mots simples, et que des calculs comme 7+5, 10+ 10 ou 23+ 34 (écrit en colonnes) étaient compliqués pour lui.
J'ai reçu N. pour un premier entretien, nous avons donc fait connaissance. Il m'a parlé (avec difficulté) de son rapport aux apprentissages, de ce qu'il aime faire à l'école, mais aussi à la maison. Il m'a ainsi confié qu'il adore les histoires de pirates et qu'à la maison, il aimait en inventer.
A l'issue de ce temps de parole, je me suis naturellement dit que, au lieu de nous lancer dans un temps de jeu classique (pour voir son rapport aux règles, aux stratégies, au fait de gagner ou de perdre...), j'allais lui proposer de créer avec mon accompagnement une aventure de pirates. Or, dans la salle où je travaille, il y a une maquette de bateau ainsi que des figurines de marins, de pirates (et d'animaux).
Je lui ai demandé de mettre en place les personnages, de m'attribuer (ou non) un rôle dans sa mise en scène - il m'a dit que j'animerais les deux "gentils" - et une fois organisé, le jeu de rôle a commencé. Et là, j'ai découvert un enfant très différent de celui qui, péniblement, me parlait de l'école et de la classe, un enfant d'une grande vitalité, capable de faire avancer un récit d'une façon parfaitement cohérente, prenant en compte les péripéties que j'apportais avec mes deux figurines, faisant dialoguer chacun des personnages avec pour chacun une voix différente. J'étais sidéré.
Je lui ai demandé de trouver la fin de l'histoire, ce qu'il a fait avec un peu de regret, puis nous sommes passés à un troisième temps (après le temps de parole et celui du jeu), celui du bilan.
Il m'a dit son plaisir d'avoir inventé cette histoire, je lui ai donc proposé de l'écrire, sous sa dictée, pour en garder une trace et, avec son accord, la lire à sa classe.
Voici la première partie, telle qu'il me l'a racontée :
Je me retrouve donc avec deux N. L'un en échec scolaire, avec une "attention limitée et une grande dispersion en classe", l'autre capable de produire un récit de qualité, totalement concentré et impliqué. Bien sûr, je sais que les conditions, celles de la classe et celles d'un temps avec une personne qui n'est là que pour lui, ne sont pas du tout semblables. Mais, reste quand même l'écart de comportement et de compétences observé chez pourtant le même enfant.
D'où le questionnement suivant :
1) Cet enfant est-il davantage lui-même dans le collectif de la classe centré sur les apprentissages ou dans l'espace de parole et de création qui lui a été ici ouvert ?
2) Comment faire pour que N. puisse utiliser dans les apprentissages scolaires ce qu'il a été capable de réaliser lors de ce temps d'aide ?
3) Comment se fait-il qu'il y ait si peu - voire jamais - d'espaces où les élèves pourraient (se) parler, (se) confier - et peut-être du coup ouvrir des pistes à l'enseignant - sans la pression des résultats, des compétences à atteindre, du programme, et donc du temps contraint ? Surtout que pour la plupart des enfants que l'on nous envoie, il n'existe pas non plus souvent à la maison de possibilités de refuge, de parole et d'écoute.
C'est pour moi un chantier vertigineux et nécessaire à lancer à l'école, celui de la réconciliation entre l'élève que nous voulons voir et la personne qui est là. Nous en sommes loin...
Daniel Gostain
POUR ALLER PLUS LOIN
1) Penser les empêchements à apprendre
http://www.empechementsaapprendre.com
2) L'enfant auteur
https://www.icem-pedagogie-freinet.org/recherche-enfant-auteur
UNE QUESTION
Comment donner un espace à chaque élève en classe pour qu'il puisse être lui-même ?
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