• Plaisir VECU 608 : Une correspondance scolaire pour ouvrir les horizons !

    L’année dernière, avec ma classe de CE2-CM1-CM2, nous avons mené une correspondance. Ma classe était située dans une école REP+ de la Porte de Clignancourt, tandis que celle de nos correspondants était située en milieu rural, en Charente-Maritime. Avec mon collègue, nous nous étions choisis, dans l’idée notamment de permettre aux élèves d’appréhender, connaitre des milieux de vie très différents. Le résultat fut d’une grande richesse.

    Dès le contrat de correspondance, nous avons organisé une alternance entre envois collectifs et envois individuels. Les envois collectifs ont donné lieu à des échanges d’exposés, d’enquêtes, d’expériences diverses et variées, mais aussi et surtout à une étude comparative de nos milieux respectifs, propice au travail approfondi dans le domaine de la géographie ! Dans ce contrat, chacun des enseignants s’engageait aussi auprès des élèves à faire tout son possible pour organiser une rencontre entre les deux classes. Très vite, c’est la classe de Charente-Maritime qui s’est engagée dans le projet d’organiser une classe de découverte autogérée à Paris.

    Mes petits parisiens étaient baba de découvrir au fil de nos échanges toutes les montagnes déployées par leurs camarades pour mener à bien un tel projet. Tandis que nous nous apprêtions de notre côté à partir en classe de découverte grâce à la Mairie de Paris, nos correspondants multipliaient quant à eux ventes et événements en tous genres pour financer seuls un aller-retour en TGV, un séjour en auberge de jeunesse, les courses pour les repas, les tickets de métro sur place…

    C’est alors que, dans ma classe, grâce aux propositions du conseil, est née l’idée de payer à nos correspondants une journée complète à la Cité des Sciences. Et hop ! Calcul du budget, réalisation de cartes postales à vendre par les élèves, comptage régulier du pécule ainsi accumulé, évaluation de la somme restante à trouver, demande à la coop de l’école : les mathématiques naturelles sont arrivées dans la classe !

    Finalement, durant 3 jours au cœur du mois de mai, les deux classes se sont rencontrées avec plein de partages : une journée à la Cité des Sciences de La Villette, une matinée dans notre école sur des ateliers gérés par les élèves, et puis une autre matinée à la Tour Eiffel, qui était un moment aussi riche pour les Parisiens que pour ceux de Charente-Maritime. Joie teintée de trac des rencontres individuels après près d’une année d’échanges individuels entre chaque binômes de nos deux classes, fierté de faire découvrir le métro, émerveillements partagés au cœur d’un Paris aussi méconnu de mes élèves que mystérieux pour les élèves de mon collègue. Pour nous, enseignants, la satisfaction de faire entrevoir à ces enfants la possibilité d’inventer une communauté malgré tellement de distances…

    Au fil des correspondances individuelles, il a fallu apprendre à écrire bien, à écrire juste, à se dévoiler pour apprendre de l’autre, et enfin à partager. Quelle expérience dans le domaine du « savoir écrire et manier la langue » ! Les élèves de ma classe, issus d’un milieu très populaire, majoritairement immigré, enclavé dans un ghetto social, ont découvert qu’il existait partout des enfants avec qui ils pouvaient échanger et se comprendre, simplement par le pouvoir de l’écriture. Un horizon s’est ouvert dans leur vie. Et je pense que mon collègue pourrait en dire autant pour ses élèves des campagnes de la Charente Maritime !

    L’un des temps les plus forts pour cette correspondance individuelle fut le moment du retour des vacances en janvier. Mes petits élèves aux parents Maliens, Sénégalais, Sri Lankais, Algériens, Tunisiens, Marocains, Haïtiens, Ivoiriens… reçurent des lettres peuplées de « Bonne année », de récits de réveillon de Noël et de cadeaux en tous genres… Leur première réaction fut la perplexité : « Maitresse ! On n’a rien à leur raconter, nous. » Déjà, courant octobre, au moment des présentations, la question des « origines » (pour mes élèves, « racines venues d’un autre pays ») avait été posée… Chez nous, ce fut l’occasion de nous interroger sur les rites et coutumes à travers la classe, à travers le monde. Beaucoup ont cherché à décrire les fêtes pratiquées dans leurs familles respectives autour des enfants et des cadeaux, mais aussi de la nourriture. D’autre y virent l’occasion de recherches approfondies au sujet des pays d’origine de leurs parents. Tout à coup, apprendre à l’autre quelques mots d’une autre langue pratiquée à la maison mais pas à l’école est devenue une fierté. En échange, certains ont reçu des descriptions de fêtes et recettes charentaises.

    Et l’envie de s’écrire pour devenir amis est restée ; Et des envies d’aller parcourir la France / le monde sont nées !

    Magali Jacquemin

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1) La Correspondance

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/accueil-correspondance-scolaire

    2/ Nouvel Educateur : La pédagogie Freinet en milieu populaire

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/46426

    UNE QUESTION

    Nos origines : faut-il les travailler ou bien les dépasser ?


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  • Commentaires

    1
    Jean-Charles Huver
    Mercredi 19 Septembre 2018 à 22:05

    Merci de ce magnifique témoignage.
    Bravo à toutes et tous...
    Bonne continuation.

    2
    ChrisdeLorraine
    Vendredi 21 Septembre 2018 à 18:56

    Bravo ! Que d'émotions à la lecture de ce partage. C'est magnifique. Les enfants sont merveilleux!

    Bonne et belle continuation. 

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