• Le partage de cette semaine est celui d'un simple moment de classe qui a déclenché le rire de tous, le maître inclus.

    Mardi 5 mars : nous sommes dans une séance de mathématiques toute classique de CE1 : découverte de la multiplication comme nouvelle opération mathématique.

    La classe est dans une assez belle écoute - il faut dire que j'ai insisté sur l'importance de ce moment de découverte - bref, tout se déroule bien. J'ai l'impression que la plupart des élèves ont saisi l'intérêt de la multiplication comme opération de substitution aux additions répétées.

    Comme souvent, je ponctue cette séquence par un temps de reformulation par les élèves eux-mêmes : un enfant va jouer le professeur, une façon de vérifier que le savoir a été un peu assimilé.

    Il y a de nombreux volontaires, comme d'habitude. Cette fois-ci, ce sera C., une jeune fille plutôt réservée, mais toujours impliquée, qui le fera. Elle va devant le tableau, et pour apporter de la légèreté ludique à ce moment, je lui propose de mettre mon manteau, ce qu'elle fait sans hésiter.

    Elle fait une prestation impeccable, reformulant parfaitement l'essentiel de la leçon. Voulant alors aller plus loin, je me lève pour écrire au tableau une addition répétée et la faire ainsi réagir. Alors, elle déclare : "Je ne vous ai jamais demandé de vous lever, Monsieur ! "

    Stupeur dans la salle. Je la regarde, et je vais aussitôt me rassoir, jouant le penaud. Un rire commence à monter, auquel je participe naturellement. Je suis véritablement SLC.

    Depuis, je ne cesse d'y repenser avec bonheur, emballé par le fait qu'elle ait osé m'interpeller de la sorte, d'une façon aussi libre et juste. Je m'en souviendrai longtemps !

    Daniel Gostain

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1)découvertes mathématiques

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/comment-transformer-une-production-sans-deposseder

    2)l’émancipation

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/50471

    UNE QUESTION

    Place de l’élève, place de l’enseignant, y a-t-il des différences?


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  • Au "Quoi de neuf ?" de jeudi matin se présentent I. et J.A. :

    - Ce matin, nous allons vous parler de harcèlement à l'école (le silence qui salue chaque QDN est un peu plus assourdissant et je sens ma main se crisper un peu sur mon stylo de preneur de notes ; un rapide regard vers la stagiaire, qui est venue visiter ma classe Freinet avant de partir en emploi civique en Géorgie, me confirme qu'elle est, elle aussi, aussi surprise que captivée.)

    I. prend la parole et nous délivre qu'elle a subi du harcèlement pendant six ans dans son ancienne école privée sous prétexte qu'elle n'était pas pratiquante catholique, et qu'elle n'avait donc réussi à ne se faire aucune amie, qu'elle était régulièrement insultée, battue parfois dans les toilettes par ces petites consœurs à soquettes blanches ... Elle se sentait vraiment de plus en plus mal "à l'intérieur" et elle ne savait plus comment faire.

    - Tu n'as pas cherché à en parler à quelqu'un ... à un adulte ... à tes parents ? lance, inquiet, O.

    - Si, j'en ai parlé à ma mère au début. Elle a demandé à voir les parents d'une enfant en particulier. Après, c'était pire !... Je n'ai pas osé en reparler ensuite, même pas à ma maîtresse ou à la directrice ... et ça duré six ans de la PS au CE2 ... j'ai même pensé à en finir ... mais j'ai surtout supplié à mes parents de me changer d'école ! et ouf, ils ont fini par accepter, l'année dernière.

    On sent tous I. heureuse et tellement soulagée. Son sourire en dit long !
    Puis c'est au tour de J.A. de prendre la parole.

    - Et bien moi, comme vous le savez, cela fait un certain temps que je subis du harcèlement à l'école ...

    Je vois une petite fille baisser les yeux, et je ne peux pas m'empêcher de me rappeler que J.A. est souvent inscrite sur l'ardoise des "messages clairs" (pour en savoir plus : Messages clairs), même si cela a fortement diminué ces derniers temps... La stagiaire écarquille un peu plus les yeux, l'agitation de son stylo se suspend quelques instants...

    - Dans cette classe, je me sens beaucoup mieux ... j'ai trouvé le moyen de vous en parler et je remercie Mr G. et la pédagogie qu'il nous propose pour offrir des moments de parole dans la classe, je remercie I. de m'avoir accompagnée et encouragée pour parler de ce sujet qui m'a fait beaucoup de mal à moi aussi.

    - Et ça continue encore cette année ? (la question de M. qui me démangeait les lèvres a été posée...)

    - Oui ça arrive encore parfois ... dans les toilettes, on me bloque la porte ... au gymnase, on me dit dans les vestiaires que mes chaussures ou que mes habits sont moches ... l'autre jour on m'a volé mon pantalon de rechange après le rugby...

    Je me rappelle en effet de cet incident ... j'avais l'impression que les filles de la classe s'étaient relayées avec elle pour faire des allers-retours pour voir si une autre n'avait pas un vêtement de secours. On en avait même trouvé un à la garderie et A. lui avait rapporté un bas de survêtement, vu qu'elle était retournée manger à la maison. Je n'avais pas vu de moqueries, que des aides de camarades à une autre en difficulté ... j'en avais même parlé aux collègues plus anciens de l'école, qui s'en étaient d'autant plus réjouis que c'était la petite J.A. dont la fratrie subissait les moqueries depuis toujours ... Là, je suis vraiment suspendu et ému de cet échange qui commence dans la classe.

    - Mais on t'avait aidé à en retrouver un de pantalon ?..
    - On t'a même gardé la porte !
    - Je t'avais rapporté un survêtement de chez moi...
    - Oui c'est vrai, et je peux vous dire que ça m'a fait vraiment chaud au cœur ... et que si j'ai trouvé la force de venir vous en parler aujourd'hui, c'est justement grâce à ça.

    Waow ... on peut sentir beaucoup de sentiments dans l'atmosphère de la classe. Les sourires de J.A. et de I. font échos aux autres qui se sentent fiers de participer à avoir changé le sens du "sort"... Je suis un peu KO et je devine et vois des larmes retenues dans le coin de certains yeux, dont ceux de la jeune stagiaire...

    A la récré, elle viendra m'avouer qu'elle a été carrément "scotchée" d'avoir pu entendre des mots comme cela sur des maux comme ceux-là ... et que petite, elle avait elle-même subi du harcèlement à l'école. En lien avec ses études actuelles d'éduc spé ? possible ... en tous cas elle a passé un long moment le midi et le soir en quittant l'école pour me remercier de cette journée, qu'elle m'encourage à poursuivre et à faire savoir de la pédagogie Freinet et des messages clairs, et de la liberté de paroles des entretiens du matin, du regard bienveillant des élèves et du maître dans les activités qu'elle avait pu voir. Je la sens transformée par ce vécu. C'est à mon tour de cacher mes larmes de l'émotion qui monte ... C'est vraiment chouette cette péda ... Me voilà boosté encore un peu plus dans mes certitudes  !

    Philippe G

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1)les messages clairs

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/atelier-gerer-les-conflits-par-les-messages-clairs

    2)le quoi de neuf

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/le-quoi-de-neuf-pour-demarrer-en-pf

    UNE QUESTION

    Le harcèlement à l’école…


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  • J’utilise une monnaie de classe. Cette monnaie est un véritable outil de gestion de groupe. C’est un outil de motivation, je travaille et je suis payé pour cela. Mon travail est reconnu dans la classe et il a une valeur. C’est un outil de sanction : je fais une bêtise, je paye une amende. Les amendes sont discutées et votées en conseil. Je dépense ma monnaie au marché organisé une fois par mois environ.

    Stupeur mardi matin ! La banque a été dévalisée, elle est presque vide. Qui a commis le vol ? En tant que garant de l’institution, je demande au(x) voleur(s), non pas de se dénoncer, mais plutôt de rendre ce qu’ils ont volé discrètement, juste de le déposer sur mon bureau. J’argumente : « Si la classe n’a plus de monnaie, il n’y a plus d’amendes mais des punitions données par la maîtresse, le marché prévu vendredi prochain ne pourra pas avoir lieu, on ne peut plus louer de matériel à la classe, bref…. tout le système est mis à mal ! Je sens l’inquiétude monter : les élèves n’avaient pas mesuré l’importance de la monnaie et la place qu’elle prend dans notre quotidien.

    Arrive 15h50, c’est l’heure du rangement et des métiers. Les discussions vont bon train… On sort à 16h, j’accompagne au portail ceux qui rentrent chez eux. J’aperçois un attroupement ; des élèves de ma classe sont autour de L. Je remonte en classe : les pujaux (c’est le nom de notre monnaie) sont disposés sur ma table. Je compte. Il y en a 4353. Le montant du vol est énorme ! Je décide de provoquer un conseil extraordinaire dès le lendemain matin afin de demander une sanction applicable au(x) voleur(s).

    9 h : le conseil exceptionnel est ouvert. Le silence est lourd. Je préside. Je rappelle les faits, des pujaux ont été rendus. Le conseil doit-il se contenter de cela ? La loi n’a pas été respectée, je demande une sanction. Les voleurs se désignent immédiatement. Chacun s’exprime sur ses motivations, les conditions, ce qu’il s’est passé…. On écoute, on ne juge pas, on essaie de comprendre. Les vols se déroulent pendant les récrés car certains restent en classe. M raconte : « On se met au défi : t’es pas cap de voler dans la banque ! ». Deux voleurs ont préparé une lettre pour s’excuser. Ils la lisent devant toute la classe. Le conseil est touché. A. se met à pleurer. M. en a parlé à la maison et a préparé sa lettre avec sa mère. Des élèves remarquent que les « voleurs » ont pris l’initiative de rendre la monnaie volée et de préparer une lettre d’excuse : il faut reconnaître que c’est bien. J’acquiesce mais nous devons discuter de la sanction. Q rappelle que le conseil avait décidé il y a deux mois environ des dispositions à prendre en cas de vol. Je me souviens effectivement que nous avions parlé de cette éventualité. Les élèves avaient demandé à ce que la banque soit fermée à clé afin d’éviter cet écueil. Finalement nous n’avions pas donné suite car trop lourd à gérer.

    La discussion continue sur le rapport à la loi, quelle sanction, qui doit la donner ? Un élève propose de créer le métier de juge. J’exclue d’emblée cette possibilité. « Le conseil doit prendre ses responsabilités. Nous recherchons dans le cahier du conseil et nous retrouvons la décision prise : « En cas de vol, le fautif devra rembourser la somme volée et le conseil donnera une punition ». C’est écrit noir sur blanc et cela a été voté en conseil. Nous y voilà. Mais quelle punition ? Réflexions et propositions : deux propositions apparaissent. 1) Les voleurs seront ceinture dorée de comportement. 2) Les voleurs ne passeront plus au bilan (c’est le moment de la paye) pendant un temps en rapport avec le montant volé.
    Le conseil vote finalement que les voleurs peuvent choisir leur punition entre ces deux propositions. Deux choisissent de passer ceinture dorée, ils perdent tous leurs droits. Leur situation sera réexaminée à chaque conseil. Les autres choisissent de renoncer au bilan pendant 4 voire 6 semaines. Les voleurs assument parfaitement la sanction. Le conseil décide également que les parents ne seront pas prévenus car le problème a été réglé en interne et qu’il n’est pas nécessaire d’alourdir la sanction.

    Ce matin, je les ai vus grandir. Ils ont discuté, proposé, voté et sont arrivés à une solution satisfaisante pour le groupe. Quel bonheur et quel plaisir de pouvoir vivre ça.

    Véronique Druot – CM2 à Pujaudran (32)

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1)la monnaie dans la classe

    https://www.icem34.fr/ressources/classe-cooperative/divers-cooperation/146-la-monnaie-interieure-comme-instrument-educatif

    2) le conseil d’enfants

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/fichier-d-incitation-cooperation-citoyennete

    UNE QUESTION

    Peut-on laisser les élèves décider de toutes les formes de sanctions ?


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  • Suite à un stage intitulé "Ecrire en cycle 3", j'ai apporté en classe le livre "Ma petite fabrique à histoires" de Bruno Gibert, éditions Autrement.

    Je l'ai posé sur la table des ouvrages : “ qu’on a lu” "qui plaisent", "en lien avec…" (cette table a plusieurs noms).

    Pendant l'accueil du matin, quelques élèves l'ont feuilleté et m'ont demandé : « Pourquoi tu as apporté ce livre ? Il te plait ? Comment ça marche ? C'est bizarre comme il est découpé ! »

    M. s'en empare un long moment et semble prendre plaisir à lire les différentes phrases proposées. Je lui demande si elle souhaite en présenter le fonctionnement tout à l'heure, au moment du "Quoi de neuf ? "Elle me répond qu'elle ne s'est pas inscrite. Hum c'est vrai, mais j'aimerai bien que ce soit un enfant qui parle du livre... Je le laisse trainer jusqu'au jour où le directeur vient nous chercher pour le rendez-vous avec le photographe.

    Ce moment est toujours synonyme d'excitation et de joyeux bazar : il faut récupérer les petits frères et sœurs jusqu’en maternelle pour les photos individuelles et attendre encore, sans rien d’intéressant à faire, pour la photo de classe ! Je prends le livre sous le bras, immédiatement repérée par M. : "Tu vas le lire maîtresse ?", "Non, c'est vous qui allez le lire pendant qu'on fera la queue pour les photos, tu pourras expliquer à tes camarades comment ce livre fonctionne ?" Hochements de tête ravis de M.

    Je ne m’attarde pas trop pour décrire la file indienne agitée de fous rires, pendant laquelle le livre circule de mains en mains et où chaque phrase cocasse est lue à haute voix par les enfants qui ont eux-mêmes posé la consigne : « On ne lit pas 2 fois le même mélange ! »
    Le photographe est un peu perplexe ; il a peur que je pourrisse sa séance avec mes élèves qui laissent trainer leurs oreilles du côté de la file au lieu de l’écouter… Mais non, les enfants sourient pour de vrai ! Ce drôle de livre en forme de "cadavre exquis" les amuse.

    De retour en classe, je demande innocemment si le livre leur a plu. Des enfants proposent aussitôt qu’on en fasse un Kamishibaï, la majorité pense surtout que ça serait plus amusant d’essayer d’en faire un presque pareil avec nos phrases à nous !
    Ça discute sec dans les groupes : la phrase d’origine n’est pas vraiment rigolote, ce sont les mélanges de « bouts de phrases » qui sont marrants. On s’entraide pour que chacun réussisse à produire sa phrase. On coopère pour vérifier que l’ensemble fonctionne « Tu ne peux pas écrire “ les voitures” au pluriel, ça va pas avec les autres phrases, c’est du pluriel, tout le monde a mis du singulier, le verbe est au singulier… » « Ben je mets “ la voiture” alors ? » « On dit une voiture » « Oui mais ça change pas la terminaison » « Ben si ! »  « Pas pour le verbe !» On fait de « l’étude de la langue » sans le dire, mais en en ayant pleinement conscience, parce qu’on en a vraiment besoin pour que le livre soit réussi.

    Les enfants choisissent la couleur qui va le mieux avec leur phrase, la tapent sur l’ordinateur, recherchent le mélange de couleur qui correspond à la feuille de couleur choisie, colorient le texte imprimé, coupent, collent et confient, aux parents qui peuvent le faire, des exemplaires à photocopier en couleur au format A3 ! Un exemplaire par enfant, un pour les correspondants, un pour la BCD et l’original restera en classe.

    Bon, j’ai vu sur internet que plein de classes avaient travaillé à partir de ce livre, il existe même une appli smartphone pour créer ses phrases ! N’empêche que j’ai aimé ce travail, cette appropriation enthousiaste par les enfants d’une proposition que je ne savais pas trop introduire sans l’imposer de but en blanc.

    Jacqueline Bergeret

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1)le Nouvel Educateur grammaire orthographe

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/le-nouvel-educateur-221

    2)l’expression poétique

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/835

    UNE QUESTION

    Comment guider sans imposer ? Quelle part de réelle liberté est laissée aux élèves ?


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  • Notre « plaisir à vivre » est celui d’une une expérimentation créative dans nos classes que nous avons intitulée les "Explorateurs".

    Il s’agit de faciliter l’accès et l’appropriation des grandes notions scolaires grâce à des regards multiples portés sur celles-ci (nous nous inspirons ici des « intelligences multiples ») :  

    - le regard de l’écrivain

    - le regard de l’artiste

    - le regard du reporter

    - le regard du mathématicien

    - le regard du scientifique

    - le regard du théâtreux

    - le regard du musicien

    - le regard du poète

    - le regard du photographe

    ...

    Nous faisons ainsi le pari que pour beaucoup d’enfants, regarder autrement et de façon diversifiée les notions à aborder à l’école peut leur donner davantage de chances d’accéder à leur compréhension, chacun y trouvant un accès plus proche de son tempérament, de sa personne. Et aussi du plaisir évidemment !

    Nous avons commencé à vivre et faire vivre ce projet autour d’une première thématique : le Nombre. Dix classes ont débuté ou vont le faire prochainement, toutes avec beaucoup d’enthousiasme.

    Voici l’organisation de démarrage : La classe est divisée en équipes de trois élèves. Les équipes sont hétérogènes. Chacune de ces équipes endosse l’un de ces regards (si besoin, nous procédons à un tirage au sort).

    Pour lancer le projet, nous avons choisi de privilégier quatre de ces regards (donc deux équipes pour chacun d’entre eux), de façon à ce que les enfants s’approprient l’idée : le regard de l’écrivain, le regard du reporter, le regard théâtral et le regard de l’artiste.

    Les équipes d’écrivains écrivent une histoire mettant en jeu le Nombre.

    Les équipes de reporters enquêtent dans l’école ou dans le quartier à partir d’un questionnaire sur le Nombre auprès d’adultes ou d’enfants, qu’ils ont interviewés.

    Les équipes de "théâtreux" conçoivent une scène avec des personnages nombres ou parlant du Nombre.

    Les équipes d’artistes réalisent des créations plastiques autour du Nombre.

    Avec le déroulé suivant :

    Etape 1 : présentation du projet, constitution des équipes et répartition des missions pour chaque équipe,

    Etape 2 : 1h30 environ de réalisation des missions,

    Etape 3 : 30 minutes de présentations des résultats des missions à l’ensemble de la classe.  

    Pour vous donner l’idée de ce que cela peut représenter, nous vous faisons partager ce premier témoignage de classe :

    Mardi 24 janvier, 8h45. Le conseil commence. Je prends quelques minutes à la fin pour présenter aux élèves le défi de la matinée, annoncé dans leur emploi du temps (qui est scotché sur leur bureau chaque matin). Je leur demande s'ils ont remarqué quelque chose d'inhabituel… Y. répond qu'il a vu oui, et qu'on allait faire un défi de « regards liquides »!

    Après vérification et relecture, on explique le mot « ludique », puis on parle aussi des regards, et la classe reprend, en attendant impatiemment 10h30, heure prévue pour ce tout nouveau défi.

    10h30- Retour de récréation. Je réunis toute la classe (21 élèves de la MS au CM2) et je présente le projet en détail :

    Par groupe de 3, vous allez travailler sur un thème à travers différents regards (avec des lunettes spéciales) pour voir comme un reporter, comme un artiste, comme un écrivain ou comme un comédien. D'autres classes se sont lancées, on pourra échanger avec eux pour voir ce qu'ils ont fait. Vous avez 1h30 pour votre création, la présentation aura lieu cet après-midi. Et le thème c'est...le nombre !

    Une photo de la classe aurait bien illustré la réaction des élèves…

    -  Quoi ? Le nombre ? 

    - Mais...on doit faire une interview sur le nombre ...? 

    - Ou un texte avec des nombres??

    On a peu de temps, les élèves font rapidement le choix du regard qu'ils souhaitent adopter, et se répartissent par petits groupes dans l'école.

    Regards d'artistes

    Les artistes se lancent tout de suite : un premier groupe s'installe autour d'une table et ils commencent à discuter. Ils échangent sur l'oeuvre qu'ils veulent produire, ils négocient.

    Le deuxième groupe décide de produire directement et commence par un croquis individuel, dans le but de « regrouper » les 3 essais, en essayant de garder des idées de chacun.

    Ça donne ceci :

    Plaisir A VIVRE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Plaisir A VIVRE

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Regards d'écrivain

    Les trois écrivains sont en CE1, CP et MS. Ils ont l'habitude de produire des textes, L. va chercher une feuille et un crayon, puis propose que l'histoire se passe dans une école et E. commence à raconter de nombreuses anecdotes... Je rappelle juste qu'il ne faudra pas oublier le thème du nombre , alors L. demande à T. de lui donner des nombres qu'il aime bien, il les note dans la marge. Il y aura donc 3 enfants qui s'appelleront 30, 11 et 10 et une maitresse qui pourrait s'appeler Madame 9…

    Le passage à l'écrit est un peu « laborieux » et surtout en décalage avec les idées qui fusent… T.(MS) a du mal à rester avec le groupe et papillonne. Il ne reviendra pas aider L. et E. Je propose une dictée à l'adulte pour que le texte avance, ils acceptent. Ils se concentrent sur le contenu et me dictent le texte quand je passe et suis disponible.

    Voici le texte présenté l'après-midi :

    Les 3 zigotos

    Il était une fois dans la classe, trois enfants qui s'appelaient 30, 11 et 10. Le matin, ils faisaient un défi « sciences » avec leur maitresse Madame 9.

    Ils devaient faire une maison avec 5 cartons, 8 rouleaux de scotch, 100 cure-dents et 1 000 boules de pâte à modeler orange. La maitresse leur a dit bravo pour leur belle maison. 10 avait fait le plancher, 11 avait fait le toit, et 30 avait fait les murs.

    Après, ils sont partis à la cantine. Les assiettes étaient toutes en forme de chiffres, c'est pas du tout pratique. En plus, les nombres n'étaient pas très sages, ils disaient des gros mots:

    - « carotte de nez »!

    - « crotte de six »!

    - « quatre de nez »!

    - « espèce de mille »!

    L'après-midi, 30 a fait de la couture, il a cousu un 8 sur un 1. 11 a fait de l'art visuel, il a dessiné 1000 sur une très grande feuille. 10 a compté des nombres à l'ordinateur jusqu'à 36 000.

    C'est la fin de la journée, le 10 présente un « 2 minutes pour séduire », il a apporté le portrait de sa grand-mère, elle a 100 ans !

    Regards de reporters/journalistes

    Les journalistes ont très envie « d'aller interroger des gens » me disent-ils... Ils savent qu'ils vont pouvoir sortir de l'école. Je leur demande ce qu'ils vont poser comme questions...mais après un rapide triple regard croisé suivi d'un long silence, ils se rendent compte qu'ils n'en ont pas la moindre idée. Je leur propose de commencer par en écrire quelques unes. Pas simple... M. dit qu'on pourrait demander jusqu'à combien ils savent compter. Puis, s'ils aiment les nombres, et lesquels. P. veut leur demander leur numéro de téléphone… Le groupe se met d'accord sur 7 questions, elles seront tapées à l'ordinateur puis photocopiées. Zut, il ne reste plus que 30 minutes pour les interviews ! Ils décident d'aller au bar du village pour trouver le plus de personnes possible.

    Interview sur le nombre

    1- Est-ce que vous savez ce que c'est  un nombre?

    2- Est-ce que  vous aimez les nombres? Est-ce que vous les trouvez intéressants? Lesquels? Pourquoi ?

    3 - Pouvez-vous nous dire le nombre de lettres que vous avez dans votre prénom?

    4-Pouvez-vous nous donner votre numéro de téléphone?

    5-Jusqu'à combien vous savez compter ?

    6- Pouvez-vous nous écrire le nombre 98 en lettres ?

    7- Est-ce que vous avez autre chose à nous dire sur les nombres?

    Au moment de la présentation, M. explique que le groupe a eu du mal à trouver des questions, puis elle lit le document qu'ils ont produit et choisit de leur donner quelques réponses...étonnantes :

    - On a interrogé L., elle n'aime pas les nombres, parce qu'elle n'aime pas les maths. Elle dit qu'elle ne sait compter que jusqu'à 46...alors on pense que c'est peut-être parce qu'elle a 46 chèvres ! Et elle avait autre chose à dire à la fin (question 7), elle trouve que les nombres ça fait mal au cerveau ! Et aussi, on a trouvé une personne qui a 15 lettres dans son prénom.

    Regards de comédiens

    Deux groupes de quatre élèves se lancent dans le théâtre. L'un d'entre eux démarre rapidement, les idées fusent, ils échangent, s'attribuent leur rôle, se répartissent le travail pour fabriquer des accessoires. Leur idée : une fête du nombre avec des bandeaux « nombres » autour de la tête, des pancartes « nombres », et un petit personnage (MS !) qui a bien appris son texte et qui va passer son temps à répéter cette même question : Mais c'est quoi un nombre ??

    Le deuxième groupe a eu plus de mal à s'entendre sur le scénario : de nombreux désaccords et peu de propositions. Ils ont finalement passé plus de 45 minutes à débattre jusqu'au moment où M. a commencé à parler de mime. C'est parti, l'idée les avait séduit. Ils vont se mettre à enchainer les positions de manière à faire deviner des chiffres aux autres. Debout, les bras tendus et inclinés...c'est le 1 ! Bon, et pour le 6, on se couche par terre, on se met en boule et on lève les jambes… S. se met à écrire tout ça, propose de noter les dialogues, et évoque ensuite la chute de la scénette. Il se propose d'être le narrateur et de jouer une voix off étrange qui crierait à la fin : "On ne se moque pas des nombres comme ça…! Puisqu'il en est ainsi...vous serez tous stupéfixié jusqu 'à la fin des temps !!!"

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1)pédagogie de projets

    http://eduscol.education.fr/sti/sites/eduscol.education.fr.sti/files/ressources/techniques/5180/5180-186-p46.pdf

    2)échanges entre classe

    https://padlet.com/se_lancer_en_pedagogie_freinet/1

    UNE QUESTION

    L’innovation pédagogique peut-elle renforcer l’investissement personnel des élèves ?


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