• Il y a quelque temps, j'ai eu la chance de vivre l'expérience singulière et stimulante de jouer le rôle d'un enquêteur cherchant à élucider en équipe une énigme qu'est la mort soudaine d'un écrivain à l'occasion de sa visite à un château où il était invité. Il se trouve que cet écrivain allait sortir un livre dévoilant les atours peu reluisants des occupants de ce dit château.

    Je me suis retrouvé - en vrai - dans la grande maison d'une amie, costumée en gouvernante du château, et pendant une heure trente, nous avons interrogé les membres du dit château (des comédiens, donc), le docteur, le jardinier, le comte, la comtesse, les servantes, ...,  pour nous faire une idée de ce qui s'était passé et démasquer le ou les coupable(s). Pour en savoir davantage sur ce projet : Les coins sombres du château

    Ça m'a donné une idée. Et si je reprenais l'idée pour ma classe de CE1 ! Il se trouve que nos vacances de printemps se sont achevées le 24 avril. Il nous restait donc onze semaines pour inventer avec mes élèves de CE1 une histoire mystérieuse, des personnages suspects possibles, une mise en jeu de rôle pour chaque enfant, et enfin l'organisation de la venue de parents-enquêteurs interrogeant chacun des personnages-enfants. 

    J'en ai aussitôt parlé à cette amie, Aline, créatrice des "Coins sombres du château", qui a été tout de suite emballée par ce projet d'adaptation pour des enfants, et qui a accepté de nous aider à le mettre en place. Ce qu'elle a fait aussitôt. 

    Voilà nos débuts :

    1) Aline m'a proposé un début d'énigme :

    "La Princesse est venue au château pour épouser le prince. Elle s’aperçoit qu’il n’est plus là et en plus il se passe des choses bizarres dans ce château."

    2) A partir de cette ébauche, les élèves ont proposé collectivement des personnages qui pourraient entrer en jeu dans cette histoire. 

    - Un serviteur : Il mettait la table pour le banquet de mariage. Il pense que le prince a été enlevé par le dragon. Ça ne l’embête pas trop car ce n’est qu’un serviteur.
    - Le gouvernant. Son travail est de protéger le prince mais le prince ne le souhaite pas, donc il n’aime pas trop le prince. Au moment de sa disparition, il était devant sa porte.
    - Le dragon. Il surveille le château au service du roi et de la reine. Il est avec un autre dragon. Il a entendu quelque chose : une petite explosion dans la chambre du prince.
    - Le garde. Il surveille la porte du roi. Au moment de la disparition du prince, il dormait, car il était fatigué. Il travaille trop. Il a aussi entendu un bruit. Il n’est pas content car le prince était gentil, il donnait de l’argent aux pauvres.
    - La reine. Elle avait demandé à la servante de remplir les verres. Elle avait dit au prince qu’il pouvait boire son vin avant les autres. Elle pense que c’est la servante qui a mis du poison dans le verre du prince. Elle, elle était dans sa chambre et elle s’habillait. Elle est très triste que son fils ait disparu.
    - Le roi. Il s’habillait en compagnie du bouffon qui le faisait rire. Il est très triste de la disparition du prince.
    - Le magicien. Il s’entraînait à faire disparaître un crapaud avec un tour de magie qui reste secret. Il n’aime pas trop le prince qui trouvait ses tours de magie pas terribles.
    - Le loup-garou. Il se préparait pour la pleine lune. Il a entendu un cri perçant du prince.
    - Un villageois. Il préparait à manger à ses enfants. Il est allé une fois dans le château pour demander la permission de sortir du village pour aller laver ses vêtements.
    - Le messager. Il était allé donner des invitations aux invités. Quand il est revenu voir le roi, il a vu une bête sauvage avec une queue.

    3) Aline a ajouté quelques personnages et complété le scénario à partir des propositions des élèves. 

    Il était une fois une Reine, mais une de ces Reines vous savez, comme on en rencontre malheureusement, ici et là ! Une Reine très autoritaire, souvent méchante. Tout le monde la craignait. Même le Roi, son mari avait très peur d'elle et il faisait toujours ce qu'elle voulait. Cette Reine et ce Roi eurent un fils. Ils l'appelèrent Trobien et l'aimaient beaucoup. On peut dire que la Reine en était même folle ! Elle lui disait souvent : « Mon petit Trobien d'amour, tu ne grandiras jamais et tu resteras toute ta vie avec ta maman ». Trobien était un petit prince très obéissant. Au début il grandit, mais pas trop, pour faire plaisir à sa maman. Et tout allait bien.

    Cependant, un jour, Trobien eut 14 ans. En se réveillant le matin, dans son petit lit de prince, il sentit que ses pieds touchaient le bout du lit, il se redressa et vit que ce n'était plus des petits pieds de bébé, mais de grands beaux pieds de 14 ans qui poussaient très fort les montants du lit et il se dit que décidément il était en train de grandir et il trouva ça très rigolo ! Il alla voir sa mère la Reine et lui dit qu'à partir de ce jour, il grandirait, il ferait tout comme les adultes, qu'il partirait, se marierait à une princesse et deviendrait Roi, bien loin de chez lui. La Reine entra dans une colère terrible ! Elle ne voulait pas que son petit Trobien devienne un Roi, se marie à une vilaine princesse et parte loin d'elle ! Elle décida de l'enfermer. Elle fit construire une grande tour, et tout en haut de la tour plaça la chambre de Trobien. Elle installa un dragon en bas de la tour pour la surveiller, un gouvernant antipathique pour s'occuper de lui et un garde.

    Trobein fut bien obligé de vivre dans sa chambre... il s'ennuyait... Heureusement le garde était très gentil et essayait de le distraire, il jouait avec lui en cachette. Un jour, il lui offrit un bel oiseau parleur qui répondait au nom de Phazbok. Chaque matin, Trobien lui ouvrait sa fenêtre, l'oiseau parcourait le monde. Chaque soir il revenait et passait la nuit à raconter à Trobien tout ce qu'il avait vu.

    Un soir, l'oiseau revint avec un ami : c'était l'oiseau d'une princesse qui habitait bien loin. Par l'intermédiaire des oiseaux Trobien lui raconta tous ses malheurs. La princesse révoltée, promit de venir le délivrer : le temps d'aller chercher son dragon volant et elle serait là.

    4) A partir de cette proposition d'histoire, les élèves se sont mis à deux et chaque duo a imaginé comme s'était passée cette disparition. 

    5) Aline a fini de rédiger l'histoire complète à partir de laquelle chaque personnage va se positionner. 

    Maintenant, nous allons dresser le plan du château, que nous mettrons en conformité avec celui de l'école, imaginer ce que chacun des personnages aura à dire devant les parents enquêteurs, sachant que ces personnages ne savent que ce qu'ils ont vu et que ce qu'ils ont entendu, donc ignorent tout un pan de l'histoire. 

    En parallèle, nous essayons de résoudre des enquêtes de l'inspecteur Lafouine pour nous entraîner (Les enquêtes de l'Inspecteur Lafouine), nous menons un rallye lecture policier et nous faisons une lecture suivie du "Crime de Cornin Bouchon". 

    Les enfants sont bien dedans, le maître aussi, Aline itou ! Un beau défi pour cette fin d'année ! 

    Daniel Gostain

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1) l’enfant auteur

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/recherche-enfant-auteur

    2) la place des parents

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/55609

    Nouvel Educateur n° 220 - https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/42489

    UNE QUESTION

    Pourquoi et comment ouvrir sa classe ?


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  • Tout a démarré lors d'un "Eurêka", ce temps de ma classe de CE1 qui est devenu un incontournable, au cours duquel les élèves qui le souhaitent viennent faire partager un apprentissage récent qu'ils ont "goûté".

    A cette occasion, de nombreux enfants ont pu dire leurs plaisirs d'apprentissage à leurs pairs, ce qui - je parie là-dessus - peut donner envie aux camarades.

    Sur une notion, sur une "capacité à" (par exemple à "parler à voix forte au théâtre"), sur une découverte... Ainsi, A. a parlé de cette nouvelle opération mathématique, la multiplication, qu'elle venait de découvrir apparemment avec plaisir.

    A l'issue de sa prise de parole, nous avons procédé comme d'habitude : nous avons demandé s'ils souhaitaient mener des projets, suite à ce partage.

    La même A. a aussitôt proposé de créer un "Jeu de l'oie des multiplications" et C. s'est associée à son idée. Je l'ai noté sur notre tableau de "projets Eurêka".

    Petite précision : Depuis quelques jours, pendant le temps de l'Accueil, A. jouait beaucoup au jeu de l'oie qui se trouve dans le bouquin que j'ai écrit, "Verbes, Sujets et compagnie". 


    Puis la semaine se poursuit, avec notamment ces temps de "Projets personnels" qui permettent à chacun de mener un projet qui lui tient à coeur.

    Quelques jours plus tard, est prévu dans l'Emploi des temps un moment de Présentation. Et c'est là que A. et C. présentent leur jeu de l'oie. Elles l'ont tracé, elles ont inventé des règles dans l'esprit d'un vrai jeu de l'oie et ont fabriqué deux dés en papier pour mettre en jeu la multiplication. Je le découvre avec les autres élèves, car elles l'ont réalisé sans mon aide.














     

     

     

     

     

     

     

     Depuis, les élèves jouent volontiers à leur jeu !

    Bien sûr, ce n'est pas spectaculaire, leur création pourrait être améliorée et le sera probablement, mais l'essentiel est ailleurs : grâce à ces temps ritualisés de la classe, les élèves ont la possibilité de dire oui à ce qu'ils ressentent pour se lancer dans des projets qui leur viennent en tête et qu'ils vont pouvoir rapidement présenter. Il en est de même lorsqu'ils écrivent des textes libres qui seront dans le journal, ou lorsqu'ils préparent des lectures à haute voix qu'ils pourront présenter à d'autres classes.

    J'insiste sur la ritualisation de ces temps, car souvent, dans les classes, il y a des projets, des envies, des propositions, mais pas les temps prévus pour les réaliser...

    Daniel Gostain

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1) faire évoluer les mathématiques

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/pratiques-et-recherches-40-entrer-dans-les-maths

    2) présentation d’enfants

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/video-super-c-est-vendredi

    UNE QUESTION

    Faut-il accorder du temps aux projets individuels des élèves ?


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  • Un jeudi matin, dans une classe de 3ème.

    C'est le dernier jour pour présenter une production par groupe répondant à la consigne suivante : "Réalisez le musicogramme [représentation graphique d'un évènement sonore ou d'un extrait d’œuvre musicale] d'une dictée de sons à l'image de La Dictée d'Alain Savouret et interprétez-le. Un "chef d'orchestre" dirigera l'ensemble et sera chargé de la ponctuation".

    Pour finaliser leur projet, les élèves disposent d'une quinzaine de minutes pour répéter, partout dans la salle, puis tous retournent à leur place et assistent aux productions des différents groupes.

    Dans cette classe-là, à la différence de mes quatre autres classes de 3ème (la plupart choisissent des sons "communs" : claquements de mains, onomatopées etc.), les élèves ont été plus loin dans la recherche de sons exploitables et ont, entre autres, utilisé les lattes horizontales des murs de la salle en promenant verticalement un stylo dessus, et la tringle du tableau blanc du vidéoprojecteur qu'ils ont frottée sur le rebord du tableau pour produire un son métallique.

    Plaisir VECU 201 : Créations sonores

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Plaisir VECU 201 : Créations sonores

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Lorsqu'ils m'ont demandé s'ils avaient "le droit" d'utiliser ces sons, j'ai presque sauté de joie ! C'était tellement chouette de les voir chercher des sons qui leur plaisaient, qu'ils voulaient utiliser dans leur création !

    Le musicogramme réalisé par les élèves pouvait ressembler à ceci:
    *+&]&,//+]*,))((&]+.

    *= claquement de mains
    += "oh!"
    &= frottement du stylo sur les lattes du mur
    etc.
    La ponctuation ("virgules et points dans mon exemple) était dite par le "chef d'orchestre, qui avait également pour rôle de diriger la "partition" en faisant démarrer les responsables de chaque son au bon moment.

    Un pur moment de bonheur d'être en classe !

    Marie-Flore Reynard

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1) créations sonores et musicales

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/creation-musicale-1

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/le-nouvel-educateur-180-silence-on-improvise

    2) contacter le groupe du second degré

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/liste-second-degre

    UNE QUESTION

    Faut-il être musicien pour réaliser une création sonore et musicale ?


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