• Le plaisir vécu de cette semaine, nous aimerions qu’il devienne un plaisir à vivre permanent, vécu par tout un chacun. C’est pourquoi, nous l’avons appelé « Manifeste », pour qu’il puisse être entendu.

    Ce plaisir, décrivons-le d’abord. C’est celui d’avoir pu visiter la classe d'un autre enseignant dans une autre école, pour à la fois prendre un peu de distance par rapport à sa propre pratique et se ressourcer, grâce à l’observation d'une autre façon de faire.

    Ce plaisir, nous l’avons pratiqué à deux – en toute innocence ! – entre un enseignant de CP-CE1 et un de CM1-CM2.

    Cette double visite a apporté beaucoup à chacun, et ceci à quatre niveaux :

    1 – Ce fut bien sûr l’occasion de découvrir une démarche différente de la nôtre, ou alors proche, mais que nous avions, par habitude, peur ou routine, laissée de côté.

    Par exemple, lorsque moi, D, j’ai pu découvrir chez N un moment de lecture-plaisir que j’ai aussitôt repris et adapté à mon niveau de classe et à ma personnalité.

    Et moi N, j’ai été subjugué, lors du moment de réflexion collective, par la capacité de réflexion et la qualité des échanges entre les enfants de la classe de D et j’ai pu ainsi me rendre compte que la tenue d’ateliers philosophiques avec les « grands » était tout à fait à ma portée et pouvait être très enrichissante pour tous.

    2 - Cette visite a permis à l’observé, grâce au regard "gratuit" et bienveillant de l’observateur - donc très loin de ce que peut être celui d’un inspecteur, qui par définition est celui qui inspecte - de saisir en toute tranquillité ce qui pourrait être modifié, réorienté, mais aussi gardé dans sa pratique de classe.

    3 - Cette visite réciproque a permis à chacun de nous de chercher pour trouver les mots les plus justes possible pour décrire nos choix pédagogiques, dans le désir que nous avions de les expliciter et nous faire comprendre. Ce fut un bon exercice pour éprouver la justesse ou non de certaines de nos options de classe.

    4 – Enfin, la découverte en observateur d’un temps de classe extérieur, avec ses moments-champagne mais aussi ses moments-galère, a permis de dédramatiser nos propres errements : « Je ne suis pas le seul à parfois passer à côté de l’objectif. Ouf ! »

    Ce quadruple apport est vraiment ce qui manque cruellement dans notre métier d’enseignant.

    Fort de ce constat, voilà notre manifeste :

    Il y a une vraie richesse dans ce que font la plupart des enseignants, dans leurs classes et dans leurs écoles, qui ne trouve malheureusement jamais l’occasion d’être partagée.

    Si on remplaçait une bonne part des animations pédagogiques, le plus souvent déconnectées de nos besoins, par :

    - des échanges de pratiques entre écoles : Les enseignants d’une école font partager à une ou d'autres école(s) un projet qu'ils ont porté sur l'année et transférable à d'autres équipes  - et réciproquement - et puis, on s'en empare... ou pas

    - des visites entre enseignants, comme celle que nous venons d'exposer (c'est ce que nous faisons aussi lors de nos réunions mensuelles Freinet du mercredi après-midi, où il y a un temps où le collègue de la classe accueillante nous fait découvrir sa classe),

    l’école deviendrait alors ce qu’elle devrait être : un espace bouillonnant de recherches, d’expérimentations, et parfois de jubilation. En retrouvant un certain "bon sens", loin des dispositifs-usines à gaz habituels (comme le Magistère), qui passent à côté de ce qu'il nous faudrait pour avancer.

    Il faudrait pour cela :

    1) que des temps nous soient accordés pour faire ces visites (de nombreux directeurs autour de nous sont prêts à prendre nos classes sur ces temps-là)

    2) que cela puisse se faire entre enseignants volontaires et sans une volonté de contrôle de la part de l’institution : pas de rapports de visite, pas de supervision hiérarchique, pas de validation du choix de l'enseignant visité

    3) que l'institution accorde sa confiance aux enseignants dans leur capacité à regarder et à saisir, sans qu'elle nous indique ce qu'il faut voir et ce qu'il faut penser de ce qu'on voit

    Il s’agit donc là d’un appel pour une remise en question des principes qui guident la si justement décriée formation continue des enseignants. Que l'on sorte de ces modes de formation le plus souvent magistraux, pour en découvrir d'autres, sous la forme de partage entre enseignants et entre équipes, pour redonner une vraie part à l'envie et l'en-vie.

    Un appel à relayer !

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1/ Rencontres au sein des GD

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/presentation-des-groupes-departementaux

    2/ Congrès cette année à Angers

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/annonce-congres-2019

     UNE QUESTION

    A quand la possibilité de se visiter entre nous en auto-formation ?


    2 commentaires
  • J'ai une classe de CM1/CM2 dans un quartier populaire où les difficultés d'enseigner ne manquent pas.

    Heureusement, les occasions de "plaisir de ma classe" existent. En témoigne cet article : http://laclasseplaisir.eklablog.com/plaisir-vecu-28-je-peux-l-emmener-a-la-maison-a112801444

    Et puis, arrive cette surprise que je vais vous raconter :

    Au début de cette année, j'avais mis en place le désormais traditionnel "Quoi de neuf ?", moment précieux de partage entre élèves, pendant lequel ils peuvent faire partager leurs événements de vie, leurs réalisations, leurs projets.

    Malheureusement, ce temps a vite tourné en rond dans ma classe, l'essentiel des passages se bornant à raconter les matchs de foot et jeux vidéos ou les petites histoires du quartier (comme "J'ai vu ta cousine au parc"). Bien entendu, ils ont leur place dans le "Quoi de neuf ?", mais avec la limite qu'au bout d'un moment, il n'y a plus grand chose à découvrir et à apprendre, et donc peu de possibilités de rebondissements. J'avais donc décidé d'arrêter le "Quoi de neuf ?" en février.

    Et puis, récemment, j'ai fait le choix de le remettre dans l'emploi du temps, mais sous une nouvelle appellation : "Présentations". Evidemment, ça modifie quelque peu l'esprit de ce temps d'expression, mais mon but était qu'on ait davantage de concret dans le contenu, et ça a bien changé les choses.

    La semaine dernière, trois enfants s'étaient inscrits pour ce moment, deux pour des exposés et la dernière pour nous présenter quelque chose, mais je ne savais pas quoi.

    Appelons cette élève  D.

    D : "Je voudrais vous parler de ce que je fais avec mon orthophoniste. Je vais la voir depuis le début de l'année, car je confonds de nombreux sons entre eux, le <t> et le <d>, le <ch> et le <j>..."

    Et là, D. s'est mis à raconter quand elle était suivie dans la semaine, ce qu'elle faisait avec l'orthophoniste, aidée dans sa présentation par une une fiche qui montrait le travail effectué avec elle."

    Et D de commenter avec précision la feuille, soudainement fière de ce qu'elle était en train de faire, la classe totalement silencieuse et à l'écoute, comprenant tout d'un coup pourquoi elle avait des difficultés en orthographe - alors qu'habituellement, de nombreux élèves ne se privaient pas de se moquer d'elle pour ses erreurs - et moi, stupéfaite par ce qui était en train de se passer, même si régulièrement, je parlais avec elle de son travail en orthophonie.

    En y réfléchissant à nouveau, je me souviens que la veille de son passage, un enfant s'était moqué d'une confusion de son qu'elle venait de faire et D. avait eu les larmes aux yeux. Elle voulait le jour de la présentation me montrer sa fiche de sons, mais là, avec les possibilités qu'offre ce temps de Présentations, elle s'est sentie autorisée à la présenter à toute la classe, et pas seulement à moi, ce qui a changé beaucoup de choses dans le regard porté sur elle.

    A noter qu'ensuite les élèves se sont mis aussi spontanément à chercher des exemples de confusions de sons (comme "cheveux" et "je veux"), prenant ainsi tout cela au sérieux.

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1/ je fais partager

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/55579

    2/ Quoi de neuf ?

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/accueil-quoi-de-neuf

     UNE QUESTION

    Avez-vous aussi vécu des limites pendant l’activité du quoi de neuf ?


    1 commentaire
  • J'ai eu la chance de rencontrer puis connaître Serge Boimare, ancien directeur pédagogique du centre Claude Bernard à Paris, et auteur entre autres de "Ces enfants empêchés de penser", dans lequel il nous décrit comment une approche des textes de la mythologie peut aider des jeunes en difficultés à se confronter sans se mettre en danger à leurs problématiques et à se libérer peu à peu pour avancer. Depuis, il promeut l'idée d'un nourrissage culturel pour tous les élèves.

    J'ai eu la chance de le rencontrer lorsque j'ai moi-même imaginé - avec mes deux casquettes, celle d'enseignant et celle de clown de théâtre - et fait aboutir un projet sur les empêchements à apprendre vus par des clowns, projet que vous pouvez consulter ici : http://www.empechementsaapprendre.com/

    Depuis, Serge Boimare est venu au Salon parisien de la pédagogie Freinet en novembre dernier, puis dans notre école pour nous présenter plus concrètement l'idée de médiation culturelle.

    Le "plaisir à vivre" est que l'année prochaine, nous serons quatre collègues de notre école à mettre en place cette médiation culturelle dans nos classes.

    Voilà comment nous comptons procéder :

    1) Deux fois par semaine, nous lirons des textes de mythologie, de contes ou autres textes du patrimoine, en choisissant notamment ceux qui peuvent favoriser la réflexion, mais aussi l'imaginaire.

    2) Après chaque lecture à haute voix, un temps oral de réactions, de partage de sensations, de réflexions le plus libre possible sera laissé aux enfants.

    3) A l'issue de ce temps toujours oral, un autre temps qui pourrait être de création artistique, de réflexion philosophique, d'expression écrite sera proposé, adapté à la nature et à la teneur du texte lu.

    Nous faisons le pari que, comme Serge Boimare le revendique, cet enrichissement de tous par la culture, alliant exigence et plaisir, favorisera aussi en parallèle une vraie culture commune de classe propice à la coopération, aux envies, aux projets.

    PS : Un ajout de Serge Boimare :

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1/ lien Serge Boimare (conférence)

    http://www.ac-grenoble.fr/ien.bourgoin2/IMG/pdf_Conference_de_Monsieur_Boimare.pdf

    https://www.meirieu.com/ECHANGES/boimare-classe-culturelle.pdf

    2/ La classe plaisir

    http://laclasseplaisir.eklablog.com/plaisir-a-vivre-295-le-nourrissage-culturel-a117669488

    3/ Empêchements à apprendre

    http://www.empechementsaapprendre.com

     UNE QUESTION

    En quoi peut-on comparer cette approche aux Intelligences multiples ?


    1 commentaire
  • Dans nos classes de CP-CE1 et de CM1-CM2, des temps sont consacrés à une lecture-plaisir, une lecture qui se suffit à elle-même, sans questions de compréhension, sans évaluation, sans lecture à haute voix à la classe, etc.

    Les dispositifs différent bien sur entre les niveaux de classe :

    - En CP-CE1, sont disposées en deux colonnes au tableau les étiquettes aimantées de tous les enfants  : une colonne avec ceux qui sont déjà de bons lecteurs et une colonne de lecteurs plus débutants (ce qui ne se confond pas nécessairement avec une colonne CP et une colonne CE1). Un tirage au sort est fait pour constituer des binômes d’enfants : un de chaque colonne. Une fois les binômes constitués, chaque duo se choisit un livre dans la bibliothèque de classe, s’installe, puis libre à chaque duo de lire à sa guise : partage des paragraphes ; un enfant qui lit et l’autre qui écoute, un enfant bon lecteur qui aide l’autre enfant à lire, etc. Ce temps hebdomadaire dure environ 20 minutes.

    - En CM1-CM2, les enfants choisissent chaque quinzaine le livre qu’ils vont lire. Ce livre provient soit de la bibliothèque de classe, soit de la maison, soit a été prêté et conseillé par un camarade. Deux fois par semaine, en remontant de la récréation, le calme s’installe, et chacun dispose de quinze minutes pour s’installer où il le souhaite et poursuivre sa lecture. De mon côté, je m’installe confortablement et lis en même temps qu’eux.

    Dans nos deux classes, après le partage de nos expériences, nous avons constaté qu’il existe beaucoup de points communs.

    D'abord, il s’agit d’un moment extrêmement calme et investi (mais avec quelques règles que nous avons définies pour permettre la réussite de ce moment : Je lis silencieusement ; Une fois que j’ai trouvé ma place je ne bouge plus ; Une fois que je choisis mon livre, je n’en change pas.)

    Chez les « petits », on observe une vraie coopération entre pairs, l’un aidant souvent spontanément l’autre, tous les deux cherchant à aller jusqu’au bout de leur lecture. De la vraie coopération !

    Chez les plus grands, l’envie de faire partager ses perles, de faire découvrir un héros, un texte ou encore un auteur permet aux autres d’anticiper leurs prochaines lectures et fait naître un réel désir de lire (et chez le maître, aussi, souvent). Du vrai partage !

    Il y a d’autres bénéfices à ce temps.

    Par exemple, chez les CP-CE1, comme les duos changent toutes les semaines, ils apprennent à découvrir l’autre.

    Chez les plus grands, ces temps de lecture individuelle ou de partage, ont un impact certain sur les temps d’expression. Les enfants s’inspirent de leur lecture ou de celles des autres pour créer à leur tour.

    Ce temps de lecture plaisir est un temps précieux, au même titre que le « Je fais partager » (http://laclasseplaisir.eklablog.com/le-je-fais-partager-a108196376) ou les moments de réflexion collective (http://laclasseplaisir.eklablog.com/les-temps-de-reflexion-collective-c24533128), dans lesquels le « pourquoi » des choses (le sens) nourrit tous les moments plus traditionnels de « comment on fait » (la technique).

    Nous vous le conseillons.

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1/ Silence, on lit !

    http://www.silenceonlit.com/

     modalités : http://www.ac-grenoble.fr/ien.g4/spip.php?article637

    UNE QUESTION

    Que pensez-vous du ¼ de lecture ? Comment envisageriez-vous de le mettre en place dans votre classe, votre école ?


    1 commentaire
  • Voici la suite de l'article déjà paru dans ce blog, mettant en jeu des personnages mathématiques créés par des élèves de CE1 : Des personnages mathématiques

    Il y avait des personnages-nombres, opérations, figures géométriques, objets pour mesurer notamment. Chaque équipe d'élèves (un ou deux par personnage) avait choisi le sien et commencé à l'incarner.

    Cette aventure s'est poursuivie depuis, ouvrant sur de l'inattendu et du vivant en mathématiques, ce qui n'est pas si évident.

    Tout d'abord, je leur ai demandé de créer la fiche d'identité du personnage : sa famille, ses passions et détestations, ses envies.

    A partir de cette fiche, ils ont essayé de se mettre en scène corporellement et avec les émotions propres à chacune des notions. Ainsi par exemple, le Plus (+) nous a raconté son plaisir d'additionner à tout-va, nous a fait partager sa rivalité avec le Moins (-) et nous a confié la découverte heureuse d'une sorte de cousin germain qu'est le Fois (x).

    Petit à petit, nous nous sommes rendu compte, par le jeu, des liens entre les personnages : entre le Plus et le Moins, entre le Carré, le Rectangle, le Losange et le Cercle, entre la Droite, la Règle et l'Equerre.

    Alors, pour donner plus d'enjeux aux scènes théâtrales, j'ai choisi de réunir les personnages pour finalement aboutir à quatre scènes principales :

    - une scène géométrique, dans laquelle le Carré et le Rectangle, plutôt amis, se mettent à dénigrer le Losange dépourvu d'angles droits, mais à adopter le Cercle, très étrange pour eux car sans côtés.

    - une scène avec les opérations, dans laquelle le Plus et le Moins s'exercent à additionner et soustraire les nombres 1 et 7 (eux aussi des personnages) dans une certaine rivalité.

    - une scène avec le 10, le 100 et le 1 000 pendant laquelle chacun cherche à voler les zéros des autres jusqu'au moment où le 1 000 000 viendra leur imposer sa puissance à six zéros.

    - une scène de mesures où la Règle et l'Equerre cherchent en vain à mesurer la Droite qui s'avère bien trop longue, et même infinie.

    Les scènes sont maintenant prêtes, elles seront présentées lundi 11 mai aux classes de l'école. Ce sera assurément une toute nouvelle façon de découvrir et de s'approprier les notions mathématiques pour chacun des élèves !

    POUR ALLER PLUS LOIN

    1/ créations maths

    https://www.icem-pedagogie-freinet.org/accueil-creation-mathematique

    2/ personnages incarnés

    http://pedagost.over-blog.com/2017/04/incarner-les-savoirs.html

    3/ pochettes à savoirs 

    http://pedagost.over-blog.com/2015/01/les-pochettes-a-savoirs.html

    UNE QUESTION

    Pourquoi mettre en scène des personnages mathématiques? Est-ce transférable ?


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